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La guerre contre le cancer

“Près de quarante ans après le lancement de la “guerre” contre le cancer par Richard Nixon en 1971, cette maladie est devenue le fardeau de nos sociétés industrialisées. Comment en est-on arrivé là ? Si la question impose de revisiter l’histoire de cette recherche, elle conduit à une autre interrogation. Pourquoi les stratégies menées dans cette “guerre” ont-elles privilégié le “tout thérapeutique” au détriment de véritables politiques de prévention ? Une réflexion indispensable au moment où s’achève en France le premier plan cancer et où se prépare le second.”

La guerre contre le cancer, le film des excellents documentaristes Sylvie Gilman et Thierry de Lestrade, sera projeté mercredi 30 janvier à 18h30 à Science Po. Il sera suivi d’un débat animé par Didier Tabuteau, directeur de la Chaire santé de Sciences Po ; Christian Saout, président du comité interassociatif sur la santé (CISS) ; André Cicolella, toxicologue et membre de l’Alliance pour la planète. De nombreux chercheurs et médecins seront également présents. Parmi eux Annie Sasco, Carlos Sonnenschein, Maurice Rabache, Geneviève Barbier, David Servan-Schreiber (sous réserve).

Le film sera diffusé sur France 2 le 7 février 2008, en deuxième partie de soirée.

La guerre contre le cancer (2006), 72 mn. Documentaire de Sylvie Gilman et Thierry de Lestrade, produit par Point du jour, les Productions Virage avec la participation de France 2 et France 5. Infrarouge, France 2, le jeudi 7 février 2008.

Déjà diffusé dans près de 22 pays, lauréat des étoiles de la SCAM en 2007, La guerre contre le cancer existe aussi dans une version 2 X 52 mn, montrée sur France 5 en avril 2006.

Résumé du film

« C’est un peu comme si, chaque jour, une tour du World Trade Center s’écroulait en une boule de feu ». C’est par une image saisissante que Clifton Leaf, sur le toit de son immeuble New-Yorkais, dépeint la réalité du cancer dans son pays. L’image fait frémir, les chiffres en donnent la mesure : au cours de sa vie, un homme sur deux est confronté à la maladie, une femme sur trois…
Le cancer est aujourd’hui une épidémie qui ne cesse de s’étendre, il est devenu le premier problème de santé publique du monde industrialisé.

Qui aurait pu penser, il y a trente-cinq ans, que nous serions confronté à une telle situation ? L’heure était aux discours optimistes, aux déclarations fracassantes. Quand le 23 décembre 1971, Nixon lance solennellement “la guerre au cancer”, il débloque des millions de dollars pour la recherche. Son but : terrasser le mal avant le bicentenaire de la Déclaration d’Indépendance, en 1976.
La course était lancée, mais la course était marquée du péché d’orgueil. Car le temps de la recherche n’obéit pas aux impératifs de l’agenda politique et la chronique d’une victoire annoncée s’est transformée en cruelle leçon d’humilité.

Près de quatre décennies plus tard, les soins apportés aux malades sont mieux adaptés certes, les traitements moins lourds, la connaissance de la maladie infiniment plus précise… mais la recherche du traitement « miracle » n’a pas abouti.

L’humilité conduit donc à interroger cette stratégie du « tout-thérapeutique » pour lutter contre le cancer. D’autres voix, d’autres scientifiques, se font entendre : au lieu de tout miser sur la recherche de nouveaux traitements, ils s’interrogent sur les causes du cancer et réclament une véritable prise en compte des facteurs de risques environnementaux.
Par ces questions, la guerre contre le cancer a gagné un autre front. Avec ceux qui l’animent, le cancer quitte la sphère de santé publique pour devenir un problème de société .

Doit-on changer l’homme (son comportement, ses gènes…) ou bien doit-on changer la société (l’environnement) : question cruciale pour le siècle qui s’ouvre.
Guerre contre le cancer

Note d’introduction

Il vient de revêtir sa blouse blanche et s’est assis derrière son bureau contemporain. David Khayat, (alors directeur de l’Institut National du cancer), nous dit en préambule : “Une femme sur trois aura un cancer, un homme sur deux.
Ici dans cette pièce, nous sommes deux hommes, ça va tomber sur un des deux”.
Voilà qui jette un froid. Et nous voilà au cœur du sujet.
Un homme sur deux, une femme sur trois. Deux millions de héros. 800 000 Français qui se battent contre un cancer.
Voilà les chiffres que l’on nous lance, que l’on répète, qui finissent par s’inscrire dans le paysage comme une banalité. La banalité des chiffres dessine aussi une forme de fatalité.
Après nous avoir fait croire au traitement miracle pour demain, on nous demande de croire à la fatalité de l’épidémie.
Mais cette “fatalité” ne peut-elle être évitée ?
Cette interrogation nous impose de reprendre l’histoire de la lutte contre le cancer, de la revisiter à l’aune de la catastrophe possible, de s’interroger sur sa conduite et sur l’emploi des milliards de dollars qui y ont été affectés. Elle soulève les problèmes de responsabilités des pouvoirs publics en matière de santé, pour ne pas dire de leur manque de courage ou de leur aveuglement, des relations forcément contraintes entre les chercheurs et leurs sources de financements, de la liberté de la recherche enfin, quand seule la vérité officielles est admise.

Enfin chaque guerre a ses combattants “courageux” (ne parlons pas ici de “héros”) : nous associerons dans la même image le visage lumineux de Rita, qui vit avec son cancer depuis 32 ans, et le sourire malicieux de Clifton, lui aussi rescapé, lui aussi combattant toujours debout. Tous deux, par leur force, par leur énergie déployée pour que les choses changent, pour ce qu’ils ont surmonté, nous donnent aussi des raisons d’être optimistes.

Sylvie Gilman et Thierry de Lestrade

Les réalisateurs
Journaliste, Sylvie Gilman a travaillé pendant près de dix ans au magazine « Saga Cités » (France 3), pour lequel elle a réalisé une trentaine de reportages de 26 mn, comme Danièle, prix spécial du jury au FIGRA 1995. Elle s’est ensuite tournée vers le documentaire. Elle a réalisé Le Procureur, le voleur et son voisin (52 mn, 2003) et, avec Thierry de Lestrade, Mémoire de sauvageons (52 mn, 2002). De son côté, Thierry de Lestrade a réalisé une quinzaine de documentaires. Nombre d’entre eux ont été primé, comme La Justice des hommes, pour lequel il a reçu le prix Albert Londres en 2002. Il écrit aussi des scénarios et a publié un roman, Les passeurs d’anges, aux éditions du Seuil, en 2004.

À noter : Sylvie et Thierry viennent de terminer un documentaire de 52 mn sur la thématique des perturbateurs endocriniens, Mâles en péril, qui sera bientôt diffusé sur Arte. Les informations seront communiquées sur ce blog le moment venu.

[26 janvier 2008]

Invitée à Service public et au journal de RTL

Mercredi 23 janvier, veille de la sortie du livre, je suis invitée dans plusieurs émissions :

France Inter 10h-11h Service Public, sur France Inter. Émission présentée par Isabelle Giordano. Thème du jour : les détergents.
Invités : Gael Virlouvet de l’association France Nature Environnement, Jérôme Pariji rédacteur en chef adjoint de LSA, revue spécialisée dans la grande distribution.

RTL

18-19h15 le Journal de Vincent Parizot sur RTL.

[22 janvier 2008]

La grande invasion : au menu

À ceux qui considèrent le titre du livre La grande invasion alarmiste, sachez qu’il s’agit surtout d’humour. Il en faut quand on parle de substances chimiques aux noms aussi complexes. La preuve avec la table des matières :

1–Pirates de l’air

Matériaux de construction, meubles, détergents
(Formaldéhyde et composés organiques volatils)

2–Les traîtresses de maison

Matériaux de construction, plastique
(Paraffines chlorées et PCB)

3–Une conception maculée

Textiles, ustensiles de cuisine, détergents,
cosmétiques, emballages alimentaire, vêtements.
(Composés perfluorés)

4–La fée du logis est un imposteur
Détergents et plastiques
(Alkylphénols)

5–Les bourses et la vie
Aliments, eau, insecticides domestiques
(Pesticides)

6–Le plastique, c’est pas fantastique
Plastique
(Bisphénol-A)

7–Laisse pas traîner ton fils
Plastique, cosmétiques, jouets, textiles
(Phtalates)

8–L’industrie dans le boudoir
Cosmétiques
(Parabens, filtres U.V. , muscs artificiels)

9–Maison de gros
Revêtements de mur et sol, plastique, pesticides
(Organoétains)

10–La complainte du progrès
Matériel électrique et électronique, tissus, matelas
(Retardateurs de flammes bromés)

11–Le futur des petites générations
40 substances chimiques dans un seul être humain

Épilogue – Le principe de précaution, parce que je le veux bien. (Réduire son exposition)

Invitée aux Grands débats de BFM



BFMÀ l’occasion de la parution de mon livre La grande invasion, jeudi prochain, je suis invitée lundi 21 janvier 2008 de 10h à 11h aux Grands débats de la radio BFM. Thème du débat en direct et animé par Nicolas Doze : Notre environnement est-il devenu toxique ?

Les autres invités sont :
– Dominique Belpomme, Cancérologue à l’Hôpital Européen Georges Pompidou, et Président de l’Association de recherche thérapeutique anti-cancéreuse (ARTAC), auteur de “Avant qu’il ne soit trop tard” (Fayard, 2007).

– Jan-Cédric Hansen, médecin, administrateur du groupe Mornay. Directeur de la stratégie pour l’international dans le secteur de la santé d’un grand groupe de communication.

[20 janvier 2008]

Cruiser, acte II


Pub Abeilles MDRGFSuite à l’autorisation par le gouvernement d’un nouveau pesticide, le Cruiser, le 8 janvier 2008, et comme prévu, le Comité d’experts spécialisé “Produits phytosanitaires : substances et préparations chimiques” de l’AFSSA a auditionné deux personnalités recommandées par l’Association Terre d’Abeilles, le 16 janvier 2008. Luc Belzunces, directeur de recherche au laboratoire de toxicologie environnementale de l’INRA d’Avignon, a présenté son “Étude comparée des impacts de trois classes d’insecticides néonicotinoïdes chez l’abeille”. Tandis que Franck Aletru a fait part de son expérience en tant qu’apiculteur. Le Comité d’experts rendra ses conclusions dans les huit jours.

De leur côté, les organisations environnementales se sont fortement mobilisées. Jeudi 17 janvier, le Mouvement pour le droit et le respect des générations futures (MDRGF) et Terre d’abeilles, soutenus par les magasins Jardin Bio, faisait publiaient une pleine page de publicité en page 9 du Monde (voir ci-contre).

Les trois partenaires y interpellent Nicolas Sarkozy : “Monsieur le Président, vous venez de prendre une décision qui vous honore en refusant les OGM pesticides sur notre territoire. Alors pouquoi autoriser le pesticide Cruiser dont la matière active est le Thiamethoxam?”.

St.H.
Sources : AFSSA, Le Monde (17.01.2008)

[18 janvier 2008]

Interview sur le site contaminations-chimiques.info

Une interview à propos de mon livre, La grande invasion, sur le site de Denis Lebioda, contaminations-chimiques.info.

1 – Qu’est-ce qui vous a conduit à écrire cet ouvrage ?

Comme beaucoup de gens, je me posais des questions sur les substances chimiques qui partagent notre quotidien. En cherchant à me documenter – pour ma gouverne personnelle dans un premier temps–, j’ai été frappée par la différence sidérante entre la masse d’informations disponibles et le degré de conscience de la population, proche du néant en France, sur l’ampleur des enjeux.

Dans notre pays, le mot “pollution” ne semble concerner que la pollution extérieure. On parle volontiers des dioxines ou des pesticides en agriculture. Mais quand il s’agit d’évoquer la pollution à l’intérieur de nos habitations, dans notre nourriture, nos détergents ou nos produits d’hygiène, le sujet suscite une sorte de nonchalance moqueuse : “Oui, mais alors on ne peut plus rien faire et de toute façon, on va tous mourir” ricanent certains.

Par ailleurs, nos médias ne parlent presque jamais des avancées de la science sur cette question. Pas plus qu’ils ne suivent les “affaires” de santé publique dont se sont emparés les grands médias américains et qui sont pourtant les mêmes chez nous. Qui en France sait que le bisphénol-A, contenu dans le plastique polycarbonate et la résine epoxy (qui servent à fabriquer biberons, récipients de cuisine, revêtements intérieurs des boîtes de conserve etc) est l’objet d’une controverse enragée entre scientifiques, instances réglementaires et industrie ?

J’ai donc voulu mener une enquête journalistique qui permettrait d’expliquer la problématique sous tous ses aspects, l’axe principal étant de faire l’état des lieux des connaissances scientifiques les plus récentes.

2 – Quels sont les points / informations / témoignages qui vous ont le plus touchée ?

Au cours de cette enquête, j’ai pu constater que les scientifiques exprimaient une réelle inquiétude pour la santé de la population. Ils ont pourtant le sentiment de ne pas être suffisamment entendus par les pouvoirs publics. Leur principal problème réside dans le fait qu’il est très difficile de prouver scientifiquement et de manière définitive la toxicité sur le long terme d’une substance donnée.

Les chercheurs recommandent l’application du principe de précaution. L’industrie leur répond “absence de preuves”. Certains scientifiques n’hésitent pas à qualifier cette exposition chimique généralisée d’expérience menée à grande échelle. Comme le chercheur Philippe Grandjean, pour qui réunir les preuves consiste à “étudier ce qui arrive à nos enfants”. Seuls les pouvoirs publics peuvent agir et trancher.

Mais ce genre de décisions remet profondément en cause un certain nombre de principes qui ont construit et organisent désormais notre monde moderne.

3 – A votre avis, que peuvent faire les citoyens – consommateurs pour échapper à cette contamination généralisée ?

Il est impossible de s’extraire de la chimie dans un monde qui est chimique. À moins « de revenir au temps où les gens s’habillaient en peaux de bêtes », comme le dit avec humour le chercheur suédois Per Eriksson.

Les scientifiques que j’ai interrogés estiment cependant que nous pouvons limiter notre exposition à certaines substances chimiques avec des gestes simples. C’est d’ailleurs l’objet de l’épilogue, qui explique ce que ces scientifiques ont eux-mêmes changé dans leur mode de vie.

Ne pas utiliser d’insecticides dans sa maison, ne pas réchauffer de nourriture au micro-ondes dans un récipient en plastique, être particulièrement vigilant pendant une grossesse et au cours des premières années de la vie de son enfant etc. Tous disent : « Ne vous servez que des produits dont vous avez vraiment besoin. Et quand vous le faites, n’en utilisez que le strict minimum. » Ils regrettent par ailleurs que les produits biologiques et/ou écologiques demeurent un luxe.

Pour ma part, je pense que les citoyens peuvent exercer une pression indirecte très forte sur l’industrie en modifiant leurs habitudes de consommation et en étant plus exigeants envers l’information qu’on leur donne sur les produits qu’ils achètent.

[18 janvier 2008]

Le sperme mutant des souris de Hamilton


SourisUne bonne bouffée d’air pollué, et l’ADN du sperme des souris mute. C’est la conclusion d’une étude menée par une équipe de chercheurs d’Ottawa (Canada) et de l’Université de Maastricht (Pays-Bas). Dans leur article, publié dans les Annales de l’académie nationale américaine des sciences (PNAS) Carole Yauk et ses collègues montrent que des souris qui ont respiré de l’air pollué présentent un nombre de mutations génétiques dans leur sperme bien plus élevé que des souris qui ont inspiré de l’air filtré.

Pour réaliser cette étude, les chercheurs ont placé des souris près de deux aciéries et d’un important axe routier, dans la ville de Hamilton. Le premier groupe respirait l’air tel quel. Le second groupe pouvait emplir ses petits poumons du même air passé au travers de filtres de haute qualité. À l’issue des 16 semaines d’expérience, le sperme des souris du premier groupe comportait 60% de mutations génétiques en plus. En théorie, ces mutations peuvent altérer l’expression et le fonctionnement de plusieurs gènes chez les futurs petits de ces souris. “Cette recherche indique que des polluants chimiques en suspension dans l’air pourraient être responsables de mutations génétiques transmissibles”, expliquent les chercheurs.

Reste à confirmer ces résultats. Et surtout à évaluer l’impact de la pollution atmosphérique sur le sperme des humains.

Ah. Et après six semaines de récup’ en labo, les souris du premier groupe ont retrouvé un état à peu près normal.

Sources : Nature news (13.01.2008), Yauk C et al. Germ-line mutations, DNA damage, and global hypermethylation in mice exposed to particulate air pollution in an urban/industrial location. Proc Natl Acad Sci U S A. 2008 Jan 14; [Epub ahead of print]

St.H.

Photo (Il ne s’agit pas d’une souris de Hamilton mais d’une souris embarquée dans une autre expérience) : St.H.

[16 janvier 2008]

Pesticides : le prix des rivières 2008

Cet article est un collier de chiffres. Comme chaque année depuis 1998, l’Institut français de l’environnement (IFEN) publie son rapport sur les pesticides dans les eaux. Les chiffres ne changent guère d’une année sur l’autre. Ils sont toujours aussi impressionnants : 91% des cours d’eau contiennent des traces de pesticides, 55% des eaux souterraines (le terme englobant les nappes phréatiques). La qualité de l’eau est considérée de “moyenne” à “mauvaise” dans 36% des cours d’eau, de “médiocre” à “mauvaise” dans 25% des eaux souterraines.

Les données publiées concernent les prélèvements opérés en 2005. Et en 2005, donc, 233 pesticides ont été relevés au moins une fois (contre 229 en 2004). L’atrazine et ses congénères sont cette fois détrônés par le glyphosate (le fameux herbicide Roundup).

Principales substances présentes dans les eaux (métropole et DOM) :

Eaux Souterraines Eaux Superficielles

* L’AMPA est un métabolite (produit de dégradation) du glyphosate. L’atrazine déséthyl et le 2-hydroxy atrazine sont des métabolites de l’atrazine. Graphiques issus du rapport de l’IFEN.

Pour mémoire, 74.719 tonnes de pesticides ont été vendues en 2005 selon l’Union des industries de la protection des plantes (UIPP), structure regroupant les industriels. En France, près de 500 pesticides bénéficient d’une autorisation de mise sur le marché pour l’agriculture.

Source : IFEN

St.H.

[15 janvier 2008]


Le Teflon cuisine le monde

Son nom est barbare : acide de perfluorooctane (ou PFOA). Pourtant, tout le monde connaît indirectement cette substance chimique. Elle sert à fabriquer le Teflon qui recouvre nos batteries de cuisines (1). Mais pas seulement. On en trouve dans une multitude de produits qui vont des emballages de fast-food aux cosmétiques, en passant surtout par les moquettes où elle sert de traitement imperméable, anti-tache et anti-graisse. Tout comme l’autre célébrité de sa famille : le sulfonate de perfluorooctane (ou PFOS) qui n’est autre que le fameux Scotchgard.

TeflonLes composés perfluorés sont au total 175 à avoir des noms imprononçables. Et depuis plusieurs années, les scientifiques sont intrigués par une question : pourquoi polluent-ils la planète entière ? Ils ne parviennent pas à comprendre pourquoi de très importantes quantités de perfluorés se promènent dans la nature. Car ces produits quasi-magiques ont aussi cela de particulier qu’ils sont ubiquitaires et persistants dans l’environnement. PFOS et PFOA sont dans notre sang, la nature, l’eau et les organismes des animaux sauvages, jusqu’au pôle Nord. Jusqu’aux ours blancs. De nos jours, même le cordon ombilical des nouveaux-nés en contient. Dernier détail : en 2005, l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) a classé le PFOA “cancérogène possible” pour l’homme.

L’un des plus grands enjeux aujourd’hui est de déterminer d’où viennent exactement tout ce PFOA et tout ce PFOS. Pour cela, les scientifiques essaient de déterminer si le PFOA est un produit de dégradation. En d’autres termes, de déterminer si c’est l’ensemble des composés perfluorés, digérés et dégradés par les éléments et le temps, qui se transforment ensuite en PFOA. Dans ce cas, tous les perfluorés seraient de potentielles sources de pollution. Leur avenir à tous serait alors menacé.

Cela explique sans doute pourquoi DuPont affiche sa satisfaction à l’issue d’une étude de deux ans qui conclue par la négative. Géant mondial de la chimie, inventeur du Teflon en 1938, DuPont est le principal fabricant de Teflon dans le monde. Dans cette nouvelle étude, leurs chercheurs maison expliquent que le PFOA qu’ils détectent provient de résidus et d’impuretés libérés par les objet contenant du Teflon. Ils affirment ainsi que les perfluorés ne se dégradent pas sous la forme de PFOA.

Certains chercheurs contestent cependant leurs conclusions. Tout en saluant l’importance de l’étude, Cathy Fehrenbacker, responsable des investigations sur le PFOA pour l’EPA, met en garde contre toute “surinterprétation” des résultats et critique la méthodologie de l’étude. Pour sa part, le plus grand spécialiste de la détection des perfluorés dans la nature, Scott Mabury, et son équipe de l’université de Toronto ont montré en 2007 que le processus de dégradation des perfluorés en PFOA pouvait avoir lieu au sein d’un organisme vivant. Ils ont administré du polyfluoroalkyle phosphate à un rat de laboratoire. La substance s’est transformée en plusieurs formes dégradées, parmi lesquelles du PFOA, qui n’était pourtant pas présent au départ.

Il faudra sans doute attendre plusieurs années avant d’avoir la moindre certitude.

(1) Attention de ne pas se mélanger les pinceaux : le PFOA est un intermédiaire de fabrication du Teflon (lui-même polytétrafluoroéthylène, ou PTFE sous son identité chimique). Et non pas le Teflon ou un ingrédient du Teflon.

Sources : Rebecca Renner. Do perfluoropolymers biodegrade into PFOA ?, Environmental Science & Technology on line, 9 janvier 2008. D’eon J.C., Mabury S.A. Production of Perfluorinated Carboxylic Acids (PFCAs) from the Biotransformation of Polyfluoroalkyl Phosphate Surfactants (PAPS) : Exploring Routes of Human Contamination, Environmental Science & Technology, 2007 Jul 1 ; 41(13) : 4799-805.

Photo : St.H.

Pour en savoir plus : Il existe peu d’informations en Français sur les composés perfluorés. Le chapitre 3 de La grande invasion leur est entièrement consacré.

[11 janvier 2008]

Butinage parfumé au Cruiser

C’était le bon temps. À l’époque du Grenelle de l’environnement, où l’on parlait d’une réduction de 50% de l’usage des pesticides. Autant dire : jadis. Mardi 8 janvier 2008, le ministère de l’Agriculture a décidé d’autoriser l’utilisation d’un nouveau pesticide, le Cruiser. Comme si les 489 pesticides autorisés sur le marché européen ne suffisaient pas.

Cette autorisation fait suite à un avis de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), qui avait été saisie par le gouvernement en septembre et en octobre 2007 afin d’évaluer le Cruiser et le Poncho, deux pesticides utilisés en traitement de semence de maïs. Le Cruiser est produit par Syngenta, le Poncho par Bayer. Ils sont tous deux autorisés en Allemagne.

AbeilleDans son analyse, livrée le 20 décembre 2007, l’AFSSA s’est principalement soucié du sort des abeilles, dont les populations sont décimées depuis plusieurs années [Télécharger l’avis de l’AFSSA sur le risque à long-terme pour les colonies d’abeille]. Sur ces bases, l’AFSSA a émis un avis défavorable pour le Poncho, mais favorable pour le Cruiser. À certaines conditions. Le gouvernement a suivi. Exit le Poncho. Cruiser on the road, avec une petite caravane de mesures de précaution au derrière. Des “conditions de précaution maximales”, selon les mots du ministère.

– L’autorisation du Cruiser n’est valable qu’un an, et devra être suivie d’une nouvelle évaluation.

– Son usage sera limité dans la période qui précède le 15 mai “afin de réduire la période de floraison”.

– Il ne pourra être utilisé que pour le “maïs ensilage, le maïs grain et le maïs porte-graine femelle”. Ce que cela veut dire, c’est que le Cruiser ne servira pas pour le maïs destiné à la consommation humaine et aux lignées mâles vouées à la production de semences.

– Un suivi et une surveillance des ruchers sont imposés dans au moins trois régions. Une première réunion du comité scientifique et technique aura lieu le 30 janvier. Réunion à laquelle sont associés apiculteurs et associations de défense de l’environnement.

Le ministère de l’Agriculture profite de l’occasion pour annoncer qu’une mission sur la filière apicole va être “prochainement confiée à un parlementaire”. “Son objectif est la mise en place d’un plan d’action apicole portant sur l’organisation de la surveillance de l’état des ruchers, l’aménagement du territoire et sur l’accompagnement technique, scientifique et économique durable de la filière”.

Les organisations environnementales, de leur côté, sont totalement opposées au Cruiser. Dans un communiqué du 8 janvier, la Confédération paysanne dénonce “un insecticide de destruction massive d’abeilles”. Selon elle, il n’existe aucune garantie permettant de vérifier que les mesures de précaution seront bien appliquées. Elle rappelle que des mesures du même type – mises en place pour les OGM – n’avaient pas été une grande réussite.

Dans un communiqué commun, trois associations environnementales – les Amis de la terre, le Mouvement pour le droit et le respect des générations futures (MDRGF) et le WWF, parlent de “récidive” des pouvoirs publics après les affaires du Gaucho et du Régent (1).

Selon elles, le principe actif du Cruiser – le Thiamethoxam – est très toxique pour les abeilles, même à de faibles doses. Elles expliquent qu’il faut seulement 5 nanogrammes (ng) de Cruiser pour tuer une abeille. Des doses tournant autour de 0,5 ng par abeilles peuvent entraîner de graves perturbations des colonies. Il comporterait donc les mêmes risques que le fipronil (Régent) et l’imidaclopride (Gaucho), qui avaient été retirés après avoir causé des dégâts sur les populations d’abeilles.

“Nous nous élevons contre cette autorisation qui permettrait à un insecticide qu’on sait être extrêmement dangereux pour les abeilles d’être répandu dans l’environnement au mépris du principe de précaution”, concluent-elles.(1) Sur le Gaucho, le Régent, et l’étrange rapport de la France avec les pesticides, voir le livre de Fabrice Nicolino, journaliste, et François Veillerette, président du MDRGF : Pesticides, révélations sur un scandale français. Fayard, 2007.

Sources : AFSSA, Associated Press (8/01/2008), Confédération paysanne, MDRGF, ministère de l’Agriculture.

Photo : St.H.

[9 janvier 2008]