Les commentaires se multiplient et ce blog devient un lieu de débat sur le bisphénol-A. Je choisis aujourd’hui de répondre à vos commentaires directement dans les articles. Certaines questions reviennent périodiquement : les réponses seront ainsi plus aisément accessibles.
1-Est-ce que les doses de bisphénol A libérées dans le biberon Avent pour une utilisation normale sont significatives ?
Tout d’abord, sachez que personne n’arrive à s’entendre sur ce que sont des “doses significatives” de bisphénol-A. Quand je dis “personne”, j’entends par là que les industriels et les autorités sanitaires ne sont pas d’accord avec les scientifiques indépendants.
Les scientifiques qui travaillent sur le bisphénol-A avec des budgets de recherche publique, et non à l’aide de financements de l’industrie du plastique, considèrent que le bisphénol-A agit à de très faibles doses. Ils basent leurs conclusions sur des expériences menées en laboratoire sur des rats ou des souris.
Je vous donne un exemple parmi bien d’autres : En 1999, la grande revue scientifique Nature publiait les résultats d’une équipe de chercheurs de l’université du Missouri, dirigée par le spécialiste du bisphénol-A, Frederick Vom Saal (vous relèverez au passage que les inquiètudes sur ce polluant ne datent pas d’hier). Cette équipe avait administré à des souris enceintes des doses de 2,4 microgrammes par kilo (µg/kg)* de bisphénol-A. Elle avait observé par la suite que leur progéniture présentait des pubertés plus précoces que chez des souris non exposées [Réf 1]. Un effet que les chercheurs expliquaient par l’action hormonale du bisphénol-A, qui imite les hormones sexuelles féminines, les œstrogènes.
Or 2,4 microgrammes par kilo, c’est deux fois moins que la norme de sécurité fixée par l’Union européenne en janvier 2007. Que veut donc dire dans ce contexte “dose significative” ?
* 2,4µg/kg, c’est-à dire 2,4 microgrammes de bisphénol-A par kilogramme de poids corporel
[1] Howdeshell Bigsby R, Chapin RE, Daston GP, Davis BJ, Gorski J, Gray LE, Howdeshell KL, Zoeller RT, vom Saal FS. “Evaluating the effects of endocrine disruptors on endocrine function during development”. Environ Health Perspect. 1999 Aug;107 Suppl 4:613-8 .
2-Dans ces études auxquelles vous renvoyez, aucun test n’a été fait avec des biberons en polypropylène genre Dodie Initiation, donc en quoi ces biberons sont plus sûrs ?
Les biberons en polypropylène ne contiennent pas de bisphénol-A. Le bisphénol-A a sert à fabriquer du polycarbonate (PC ou 7 dans les triangles de recyclage) et des résines époxy (pour le révêtement intérieur des cannettes de boissons et des boîtes de conserve)
* Commentaire de James
James nous rappelle à juste titre que le premier livre décrivant les ravages du pesticide DDT sur la faune a été écrit en 1962 par une pionnière de l’écologie, Rachel Carson. Ce livre, Printemps silencieux, a secoué les consciences et même mené à la création de l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) dans les années 70. Force est de constater qu’en 2008, on en est encore à pinailler dans le cadre d’un machin appelée Grenelle de l’environnement pour réduire de moitié la quantité de pesticides utilisés en agriculture d’ici 10 ans, et que ceux utilisés dans les jardins et les maisons de monsieur et madame tout-le-monde ne sont toujours pas réglementés.
*Commentaire de Franck
Merci à vous, Franck, qui travaillez pour la marque Avent, de vous intéresser à ce débat.
Pour répondre à votre première question, ce blog ne “tape” pas uniquement sur la marque Avent. Les organisations envrionnementales américaines citent cinq marques : Avent, Dr Brown’s, Evenflo, Gerber et Playtex. Ce sont d’ailleurs ces mêmes marques qui sont attaquées aux États-Unis par des consommateurs regroupés en class-action. Aucune n’ayant été faite sur les biberons vendus en France, je ne puis que citer ces cinq marques.
Vous écrivez ensuite qu’Avent est une bonne marque, qui fait preuve de beaucoup de professionnalisme. Je ne peux pour ma part que constater qu’Avent n’a rien fait quant à la composition du plastique de ses biberons depuis que le problème de la toxicité du bisphénol-A a été soulevée. Peut-on être une grande marque tout en négligeant de tels enjeux de santé publique ? Absolument. Et ce ne serait pas la première fois.
Même si la problématique est différente, je me permets de rappeler à tous la façon dont le problème de l’amiante a été traité en France. Tout le monde savait depuis très longtemps que l’amiante pouvait provoquer des cancers de la plèvre chez les travailleurs exposés à la poussière d’amiante. Mais la prise de décision a pris des décennies. Dans ce cas précis, les pouvoirs publics ont clairement favorisé les enjeux économiques aux enjeux de santé publique : l’expertise sur l’amiante, à travers le comité amiante, avait été entièrement noyauté par les industriels.
Après les mensonges des cigarettiers, après le drame de l’amiante, Tchernobyl et son nuage qui s’arrête à la frontière, ou encore les scandales sanitaires comme le retrait du médicament Vioxx en septembre 2004 (voir pour cela l’excellent rapport du Sénat paru en juin 2006), comment peut-on encore accueillir les affirmations des industriels avec bonhommie ?
Je suis ravie que votre fille se porte bien. Mais le problème avec des polluants comme le bisphénol-A, c’est justement que leurs effets ne sont ni immédiats ni spectaculaires. La farandole d’effets que l’on constate chez les animaux de laboratoire survient plus tard dans leur vie.
Quant à votre remarque sur les autres objets contenant du bisphénol-A, vous avez tout à fait raison : ils sont nombreux. Je posterai plus tard aujourd’hui la liste que j’ai pu établir au cours de mon enquête.
* Commentaires de Gisèle et LN
Je pense que ce qui précède répond à vos commentaires. LN, courage à vous.
St.H.
[12 mai 2008]