Bisphénol-A : dépêchons-nous de ne rien faire

Et soudainement, les médias se réveillèrent. Après l’annonce, à la mi-avril, par le gouvernement canadien, d’interdire le bisphénol-A dans les biberons, les journalistes français commencent progressivement à se pencher sur ce polluant chimique présent dans de nombreux objets de consommation courante.

Aujourd’hui, Libération consacre un article à la question (lire ci-dessous). “Les Canadiens ne savent plus à quel biberon se vouer”, titre le quotidien, qui rapporte une rupture de stock sur les biberons en verre dans le pays. Exactement comme cela avait été le cas en Californie, après la publication du rapport d’une organisation environnementale américaine, Environment California, en février 2007 (Télécharger le rapport).

Libération nous apprend également que Didier Houssin, le directeur général de la Santé (dépendant du ministère), a déclaré sur Europe 1: “Ne jetez rien”. Nous voilà rassurés. On peut donc continuer à chauffer le lait dans les biberons en France, alors que cela est considéré dangereux pour la santé des enfants de l’autre côté de l’Atlantique.

Ah, et aussi, cette même direction générale de la santé a commandé un rapport à l’Agence française de sécurité sanitaires des aliments (AFSSA). Un problème ? Un rapport ! Encore cette grande et déplorable habitude française de retarder une prise de décision difficile. Des rapports et des études sur le bisphénol-A, ce n’est pourtant pas ce qui manque. Mais peut-être nos experts et nos ministres ne parlent-ils pas anglais.

St.H.

Les Canadiens ne savent plus à quel biberon se vouer
Ottawa va interdire les récipients pour bébés à base de bisphénol A.
De notre correspondante au Québec EMMANUELLE LANGLOIS
Lundi 12 mai 2008

Vent de panique dans les familles canadiennes. Des milliers de parent craignent d’avoir empoisonné leurs enfants à leur insu. Sans crier gare, le gouvernement canadien a annoncé son intention d’interdire la commercialisation des biberons contenant du bisphénol-A (BPA) : cette substance renfermée dans certains plastiques et désormais considérée comme « toxique » par les autorités du pays.

Produit chimique

Immédiatement, de nombreuses enseignes ont pris l’initiative de retirer les biberons, gobelets et assiettes de plastique contenant du BPA de leurs rayons. Pas de quoi rassurer les parents. « J’ai jeté tout ce qui était susceptible de contenir du BPA, lance Tabitha Rondeau, mère de deux enfants. Je suis vraiment choquée de constater que le gouvernement n’a pas pris cette décision plus tôt. » Un point de vue que partage Mélanie Bergeron. Cette maman est cependant davantage troublée par le fait que les fabricants de biberons n’ont pas attendu l’interdiction officielle de ce produit chimique pour retirer toutes leurs marchandises contenants du bisphénol A des rayons. « Sans doute veulent-ils nous prouver qu’ils se sentent concernés, mais ils auraient dû l’être bien avant : les études montrant les effets néfastes du BPA sur le système endocrinien sont connues depuis longtemps. » Comme beaucoup de mères, dès l’annonce gouvernementale, Mélanie a voulu acheter des biberons en verre. En vain. « J’imagine que tous les parents de jeunes enfants se sont précipités dans les magasins. Résultat : les étagères sont vides et trouver un biberon sans BPA est devenue mission impossible. » Comme elle, Ariana Moralès ne décolère pas. « On veut ce qu’il y a de mieux pour nos enfants alors savoir qu’une entreprise a permis qu’ils soient exposés à des produits dangereux sans nous en aviser est intolérable. »

Dans la foulée, l’avocat David Bourgoin a déposé des demandes d’exercer des recours collectifs contre trois fabricants de biberons. « Les compagnies Playtex, Gerber et Avent sont montrées du doigt pour n’avoir pas indiqué aux consommateurs que leurs biberons pouvaient présenter un risque pour les enfants, précise-t-il. Le BPA contenu dans le plastique migre dans le lait lorsque le biberon est chauffé ou si un liquide bouillant est versé, et ils auraient dû en avertir les acheteurs. » Nadia Rodrigue, bien qu’inquiète du fait que la santé de son fils puisse avoir été altérée, n’ira pas jusqu’à se rallier à la cause. Elle regrette toutefois de trouver peu d’informations sur les conséquences de ce produit chimique sur la santé humaine. « Le Canada est le premier pays au monde à se prononcer en faveur de l’interdiction du BPA. Peut-être qu’on s’affole trop vite », suggère-t-elle.

Appréhensions

Les autorités sanitaires canadiennes ne sont pourtant pas les seules à s’intéresser de près au BPA. Leurs homologues américaines s’inquiètent également des effets de cette substance sur la santé. Un groupe d’experts du National Toxicology Program vient d’admettre avoir certaines appréhensions quant aux effets des niveaux actuels de BPA se retrouvant dans l’alimentation sur les systèmes nerveux et hormonal des fœtus et des nouveau-nés. Comment les autorités doivent-elles se comporter à l’égard de produits auxquels l’être humain est exposé à faible dose ? Si l’on en croit la position canadienne, la prudence est de mise.
© Libération

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Second article dans la même édition de Libération.

Faut-il alerter tous les bébés ?
E.L. LIBÉRATION : lundi 12 mai 2008

La France va-t-elle à son tour crier haro sur le bisphénol-A (BPA), utilisé par de nombreuses marques de biberons ? « On ne change rien », « ne jetez rien », et on peut « continuer à chauffer le lait » des bébés s’est empressé de rassurer sur Europe 1, Didier Houssin, directeur général de la Santé, tandis qu’une étude a été commandée à l’Agence française de la sécurité sanitaire des aliments (Afssa).

Dans l’attente, on sait que le bisphénol-A, un produit chimique industriel appartenant à la famille des composés organiques aromatiques, est utilisé dans la fabrication du polycarbonate, un plastique rigide employé dans la confection de biberons, de récipients destinés aux fours à micro-ondes et à la conservation. Il est aussi utilisé dans la production de résines époxy servant d’enduit de protection à l’intérieur des cannettes, des conserves ou des conteneurs afin de prévenir la corrosion.

Mis au point à la fin du XIXe siècle, le BPA soulève des inquiétudes depuis la fin des années 90. Sa structure est proche de celle de l’œstrogène. Il peut donc circuler dans le sang et déclencher des réactions inattendues. Certains scientifiques avancent qu’il pourrait provoquer une puberté précoce. Son lien avec certaines formes de cancer a par ailleurs été établi chez les animaux.

Il est toutefois difficile de déterminer dans quelle mesure il peut être dommageable pour l’homme sans étude à grande échelle.

St.H.

[12 mai 2008]

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