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Un nettoyant qui récure aussi les hormones

Est-ce vraiment nécessaire de désinfecter sa cuisine et sa peau comme un bloc opératoire ? Des antiseptiques puissants sont souvent ajoutés à des produits courants. Le triclosan est le plus connu. Mais il y a aussi le triclocarban, qu’on trouve dans les antiseptiques médicaux, savons, gels douches, lotions nettoyantes, lingettes et détergents. Nom de code : TCC ou 3,4,4′-trichlorocarbanilide.

Des chercheurs de l’Université de Californie-Davis et de l’Université de Yale viennent de découvrir que le triclocarban est un perturbateur endocrinien à l’action originale. Dans un article publié dans la revue scientifique Endocrinology, ils montrent que le triclocarban amplifie les effets de la testostérone, la principale hormone masculine, dans des cellules humaines en cultures (in vitro) et dans des rats de laboratoire (in vivo). C’est la première fois que ce mécanisme de perturbation endocrinienne est observé. Jusqu’ici, on avait plutôt l’habitude de découvrir que des substances chimiques imitaient ou bloquaient les hormones féminines, ou bien gênait les hormones masculines. Pas le contraire.`

Largement commercialisé en Europe et aux États-Unis depuis 45 ans, le triclocarban est produit à hauteur d’un million de livres par an rien que pour le marché américain. Il s’est disséminé dans l’environnement, en particulier dans les cours d’eau, aux États-Unis tout du moins.

Grenouille2Quant au triclosan, qu’on a plus de chances de détecter dans les dentifrices et les savons, il cause déjà des dégâts dans la nature : il est insuffisamment filtré par les stations d’épurations. À l’automne 2006, l’équipe de Caren Helbing, à l’Université de Victoria, au Canada, montrait que le triclosan perturbait les hormones thyroïdiennes des grenouilles sauvages. Il empêche le bon développement de leurs pattes.

Sources : Environmental Science and Technology, Chen J. et al. Triclocarban enhances testosterone action: A new type of endocrine disruptor ? Endocrinology. 2007, Nov 29 [Epub ahead of print]. Veldhoen N. et al. The bactericidal agent triclosan modulates thyroid hormone-associated gene expression and disrupts postembryonic anuran development. Aquat Toxicol. 2006 Dec 1;80(3):217-27.

Photo : Caren Helbing.

St.H.

[04 janvier 2008]

Du nœud de câbles au Non-Fi

Si j’avais le mot de passe, je pourrais brancher mon foie sur la freebox du voisin d’en dessous. Le matin, mes cheveux, moulés par l’oreiller, dressés sur la tête, font antenne-relais pour les compagnies téléphoniques. Combien de “dsl G 1 pb j sui en rtar”, d’emails décorés aux “bien cordialement”, de réservations de restaurant et de chats ont-ils traversé ma boîte crânienne ? Et ça lui fait quoi, à ma boîte crânienne, quand Bouygues et Wanadoo y jouent les passe-murailles ?

Cet hiver, on s’est posé ce genre de questions à la mairie de Paris, comme l’a révélé Le Monde. Le 30 novembre, le comité hygiène et sécurité de la direction des Affaires culturelles a voté un moratoire sur le Wi-Fi dans les bibliothèques parisiennes. Plusieurs employés municipaux s’étaient plaints de maux de tête, de vertiges, de douleurs musculaires et de malaises. Paris ne sera peut-être pas la capitale de l’internet sans fil comme le souhaitait Bertrand Delanoë. En septembre, 400 bornes Wi-Fi avaient été installées à travers Paris.

Le Wi-Fi s’est répandu très vite. Trop vite sans doute pour qu’on se penche sérieusement sur son possible impact sur la santé. Quand on les interroge, les experts en sont réduits à des suppositions et extrapolations à partir des enquêtes menées sur les téléphoniques mobiles. L’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET) a été chargée de rédiger un rapport pour 2008.

Il n’existe qu’une seule étude sur le Wi-Fi, à vrai dire, comme le rappelle un article du “Professeur Canardeau” dans le Canard Enchaîné du 26 décembre. Menée par des chercheurs de l’Université de Chicago en 2005, cette étude in vitro montre qu’une exposition de deux heures à des ondes de la même fréquence que le Wi-Fi (2.450 MHz) peut modifier l’expression de 221 gènes. Celle de plus de 700 après 6 heures.

En attendant que les experts aient des données à se mettre sous la dent, le gouvernement allemand, lui, recommande tout bonnement à la population d’éviter le Wi-Fi autant qu’elle le peut. Dans la foulée de cette annonce, en juillet 2007, il est aussi conseillé aux Allemands de préférer les téléphones filaires aux mobiles. C’était la première mise en garde officielle sur les risques du Wi-Fi.

Le 18 septembre, l’Agence européenne de l’environnement a, quant à elle, demandé aux pays membres de l’Union européenne de prendre des mesures pour protéger la population des risques de l’électrosmog que créent Wi-Fi, téléphones mobiles et sans fil etc. “De nombreux exemples montrent que l’absence de recours au principe de précaution par le passé a causé des dommages importants et parfois irréversibles à la santé et à l’environnement”, souligne Jacqueline McGlade, directrice de l’Agence. Qui encourage les pays membre à prendre “des mesures de précaution appropriées et proportionnées visant à éviter les menaces plausibles et potentiellement importantes que font peser sur la santé les champs électromagnétiques”.

Sources : Le Canard Enchaîné (26/12/2007), Le Monde (18/12/2007), The Independent (9/09/2007), Lee S. et al. 2.45GHz radiofrequency fields alter gene expression in cultured human cells. FEBS Letters, 579 (21) : 4829-4836.

St.H.

[28 décembre 2007]

La hotte plombée du Père Noël

Barbie a pris une baffe. L’été 2007 bat son plein. Les journaux télévisés sont garnis de campeurs saucés de pluie, de vacanciers dépressifs et de président en bateau, quand, le 1er août, Mattel bat le rappel de près d’un million de jouets peinturlurés au plomb dans ses usines chinoises. Il y aura trois salves en tout. La seconde le 14 août, la dernière le 4 septembre. Des bestioles domestiques qui égayent le quotidien figé de Barbie aux aimants qui ferment les maisons roses des Polly Pocket, en passant par les couleurs de la rue Sésame plastifiée : au total, plus de 18 millions de jouets. Une véritable catastrophe industrielle.

Aux États-Unis, le groupe de pression Campaign for America’s future a bidouillé un clip pour protester sur les failles du système de contrôle. Barbie et Ken se revoient pour boire un verre. La rupture a, semble-t-il, brisé davantage Ken que Barbie. Un carton noir suggère une folle nuit in memoriam, sans les organes idoines, mais avec un nounours sous le baldaquin. Au réveil, ils sont déjà tout rhabillés, mais la coupe “just fucked” de Barbie laisse rêveur. Ils se promettent de s’appeler. Ce que Barbie ne manque pas de faire, une semaine plus tard, pour annoncer à Ken qu’il lui a refilé un truc : un empoisonnement au plomb. Pas de capote. Bravo Barbie et Ken. On vous rappellera pour faire de la prévention. L’idée de départ est assez drôle, la réalisation poussive et très cheap.

Barbie plombée

Le plomb n’est pas une bonne idée, globalement. Et pour les enfants encore moins. Ce métal lourd s’accumule dans les organismes. Il est neurotoxique, peut endommager les reins, l’ouïe, le QI et beaucoup d’autres choses. Son effet le plus connu, le saturnisme, est causé par les tuyauteries et les peintures au plomb dans les logements vétustes. (Vous trouverez ici plus d’informations sur les dangers du plomb et ses sources d’exposition.)

Tentant de rassurer des hordes de parents flippés, la Commission européenne fait de la pédagogie sur son système de contrôle des normes. Qui fonctionne très bien en Europe. La preuve : elle met en avant son programme RAPEX. Chaque année, la Commission met en scène sa galerie de petites horreurs constituée d’articles hors normes, saisis à l’importation, et auxquels les consommateurs ont échappé grâce à sa vigilance aigüe. En 2006, plus de 1.000 objets (une fois sur quatre, des jouets) ne correspondant pas aux normes de sécurité ont ainsi été saisis. Dans 9% des cas, il s’agissait d’un souci de substance chimique. Le plus souvent, le problème venait de petites pièces dangereuses avec lesquelles les plus jeunes peuvent s’étouffer. Presque la moitié de ces produits provenaient de Chine. Cependant, certains avaient été produits dans des pays européens et même en France. Le rapport RAPEX 2006 note enfin que 17% des produits étaient d’origine inconnue. La traçabilité du jouet semble nettement perfectible.

“Il est impossible, en ce bas monde, de fournir des garanties à 100 %”, a déclaré Meglena Kuneva, commissaire chargée de la protection des consommateurs, suite à l’affaire Mattel. Quelles garanties peut-on espérer pour la santé des enfants qui tripotent leurs jouets à longueur de journée. 90%, 70%, 40% ? “L’industrie du jouet a l’obligation légale de veiller elle-même à ce que tout jouet proposé aux consommateurs soit sûr”, rappelle la Direction Environnement de la commission sur son site. Avant d’ajouter : “or, les récents rappels ont montré que ce n’était pas le cas”. La révision du cadre réglementaire au sein de l’Union européenne est en cours. Un projet de révision de la directive sur les jouets est attendu pour le début 2008.

Cela dit, il n’y a pas que Mattel. Les rappels de jouets hors normes interceptés par RAPEX se comptent par dizaines depuis 2005. Cela dit également, des chercheurs canadiens ont travaillé la question et disséqué les statistiques des rappels de jouets au États-Unis depuis 1988. Leur étude parvient à la conclusion que, dans 76% des cas, ce n’était pas la fabrication en elle-même qui était à l’origine du problème, mais des défaut de conception de la part des designers, expliquait le New York Times, en septembre dernier.

St.H.

Sources : Commission européenne, Département de la santé du Canada, Mattel, New York Times. Bapuji H. et Beamish P.W. Toy recalls – Is China the problem ? University of Manitoba, Asper School of business, August 31st, 2007.

Photo : Jouet Elmo au plomb rappelé l’été 2007.

[19 décembre 2007]

Le pop-corn, ce tueur méconnu

Paresse et gourmandise nappées de ce coulis d’overgadgétisation si typiquement américaine. C’est le début des années 80 et des ingénieurs de l’industrie agroalimentaire viennent d’inventer le pop-corn micro-ondable. Comme une sorte d’hommage involontaire et rétroactif à Percy L. Spencer qui, en 1946, avait découvert le four à micro-ondes – à l’aide justement d’un grain de maïs que les micro-ondes firent poper.

Gardons nous des généralisations culturelles, mais personne sur Terre n’ignore cette tragédie gustative : les Américains raffolent du pop-corn. Ils en gobent 16 milliards de litres par an. Soit 54 litres par “homme, femme ou enfant”, selon les statistiques du Popcorn Institute, association à but non lucratif créée en 1998 par le lobby du popcorn, dans son Encyclopedia popcornica en ligne.

Au début des années 2000, l’institut fédéral américain pour la santé et la sécurité en milieu professionnel, l’OSHA, enquête sur les ennuis de santé des employés d’une usine de pop-corn dans le Missouri. Tous sont atteints d’une maladie respiratoire extrêmement rare, et grave : la bronchiolite oblitérante avec pneumopathie en voie d’organisation (bronchiolitis obliterans en anglais). Seule une transplantation de poumon permet aux malades de survivre. Depuis surnommée “popcorn worker lung” (mot à mot : le poumon du travailleur du pop-corn), cette maladie a été formellement liée à une substance chimique, le diacetyl, dont les employés ont respiré les vapeurs.

Le diacetyl est une substance naturelle, que l’on peut trouver dans les produits laitiers, le vin ou les fruits. Mais l’industrie agroalimentaire l’a synthétisé en laboratoire. Et l’utilise comme additif pour la confection de diverses nourritures. C’est lui qui donne son arôme de beurre au pop-corn micro-ondable. Mais aussi à des margarines et huiles de cuisson. Il y en a donc dans les plats préparés, les snacks et les chips, entre autres.

Nul besoin d’être un agriculteur entouré d’un nuage de pesticides pour dévaster sa santé, donc. Le popcorn a ruiné l’existence d’Eric Peoples et de plusieurs dizaines d’employés du pop-corn. L’affaire n’empêchait personne de dormir à l’OSHA, jusqu’à ce que le New York Times publie une enquête magistrale en avril 2007, pointant les manquements dans la protection des travailleurs, abandonnés au non vouloir de l’industrie.

Il semblerait que la maladie du pop-corn puisse aussi toucher aussi les simples consommateurs. En juillet 2007, un médecin signale à la Food and Drug Administration (FDA) le cas d’un homme atteint de la même affection après avoir chauffé deux sacs de pop-corn à la suite et en avoir respiré les vapeurs.

L’OSHA a fini par éditer des recommandations et mesures de sécurité à l’adresse des industriels du secteur. Plusieurs fabricants de pop-corn ont cessé d’utiliser le diacetyl. Mais d’autres renaclent, sur le thème sempiternel du “il n’y a pas assez de preuves scientifiques.” L’administation Bush, aussi, fait de la résistance : aux États-Unis, le maïs est un enjeu économique majeur. Le Congrès a donc pris les choses en main. Après plusieurs auditions, il a voté le “Popcorn Workers Lung Disease Prevention Act“, qui enjoint l’OSHA a édicter des normes de sécurité dans les deux ans.

À la veille de Noël 2007, le journal Seattle Post-Intelligencer entreprend d’analyser une vingtaine de ces produits censés remplacer le beurre pour la cuisson (huiles, margarines et substituts de beurre). Pour la plupart, les taux de diacetyl atteignent les mêmes niveaux que ceux des vapeurs des usines, voire les dépassent.

Dès lors, il devient évident que le diacetyl n’est pas uniquement un problème sanitaire de l’ouvrier du pop-corn. C’est l’ensemble des personnes qui passent plusieurs par jour devant des poêles et des bacs de friture dans les restaurants qui sont concernés. Soit 6,2 millions de travailleurs, selon les chiffres du Bureau américain du Travail. Les syndicats de cuistots et d’employés de cuisine – qui représentent 2 millions de personnes – se mobilisent et en appellent au Congrès pour interdire le diacetyl.

Et en Europe ? Le diacetyl n’est pas vraisemblablement pas un problème strictement américain. L’IUF – une fédération internationale de syndicats de l’agroalimentaire, de la restauration et de l’hôtellerie – a averti son bureau de Genève afin que les professionnels européens du secteur soient informés.

St.H.

Sources : Associated Press, Centers for Disease Control and Prevention, Defending science, OSHA, Seattle Post-Intelligencer, USA Today.

Photo grâcieusement fournie par le Popcorn Institute.

[17 décembre 2007]

Le Rhône aux PCB

France 5 diffuse dimanche 16 décembre Rhône : le fleuve empoisonné, un documentaire sur la pollution massive du Rhône aux PCB (polychlorobyphényles – plus souvent appelés pyralènes en France). Pollution qui a conduit les préfectures des Bouches-du-Rhône, du Gard et du Vaucluse à interdire en 2007 la vente et la consommation de poissons pêchés dans le fleuve.

Les PCB appartiennent à la déplaisante famille des “douze salopards”, des polluants persistants interdits dans les 151 pays signataires de la Convention de Stockholm sur les produits organiques persistants (POP) de mai 2001.

Pour plus d’informations sur les PCB et ce “Tchernobyl à la française”, dixit le WWF, voir leur rapport de septembre 2007 qui fait le point sur la situation dans la région et explique la problématique des polluants persistants. Ou encore les vidéos que l’organisation a projetées lors de sa conférence de presse du 19 septembre.

Rhône : le fleuve empoisonné. Documentaire de 52 mn de Sébastien Deurdilly. Produit par Maximal productions, 2007. Dimanche 16 décembre, 22.20 et mardi 18 décembre 16.30 – France 5.

[14 décembre 2007]

Gym Tonic aux phtalates

Le fait est rare : une newsletter de l’industrie du plastique contient des informations intéressantes. Le volume automnal de l’association industrielle European council for plasticisers and intermediates (ECPI) détaille les utilisations des phtalates dans les équipements pour le sport. Il est pourtant extrêmement difficile d’obtenir ces informations de la part de l’industrie, même quand on les lui demande poliment. Les phtalates, ce sont des substances chimiques ajoutées au PVC pour l’assouplir. Mais ce sont aussi des molécules qui comportent des risques pour la santé. Sur les rats et souris de laboratoire, les phtalates perturbent la fertilité des mâles et provoquent chez eux des malformations génitales. Côté humain, certains phtalates sont classés toxiques pour la reproduction.

Cette palpitante newsletter, donc, nous explique qu’on trouve des phtalates dans : les ballons d’exercice, les bancs d’exercice, les assises des machines à transpirer, les barres auxquelles on s’aggrippe pour soulever des poids, les semelles et cuirs synthétiques des chaussures de sport*, les cordes à sauter, les gants de bodybuilding, les haltères en PVC, les tapis d’exercice et de yoga, les tongs. Et aussi les revêtements de sol, de plafond et de murs des salles de sport.

*Seule la marque Reebok a entièrement supprimé le PVC dans ses chaussures de sport.

St.H.

[13 décembre 2007]

Sous le pont Mirabeau coule un supermarché

Un rapport de la Royal Society of Chemistry (Grande-Bretagne) rendu public le 10 décembre s’inquiète du nombre croissant de substances chimiques détectées dans les cours d’eau du pays. En sus des pesticides qui n’ont pas atteint leur cible dans les cultures et des rejets des usines, les rivières contiennent à peu près tout ce que nous laissons écouler dans nos siphons… et de nos conduits urinaires. Oui, nous urinons des résidus de xanax ou d’aspirine, de caféine ou de pilule contraceptive. Et à cela, on ne peut pas y faire grand-chose, à moins de pisser dans des containers et de les abandonner dans des grottes. Les stations d’assainissement des eaux ne filtrent pas ces polluants.

Le rapport britannique relève néanmoins que de les shampoings, gels douche et autres produits d’hygiène qui finissent dans les cours d’eau sont accompagnés d’une farandole de substances nocives pour l’environnement et, à terme, pour l’homme. Le triclosan, par exemple, cet agent antibactérien contenu dans les détergents, les dentifrices ou le savon, qui s’accumule dans le corps des poissons. Mais aussi dans les nôtres : on le détecte dans le lait maternel.

PoissonAutres polluants, les alkylphénols sont – en partie – tenus pour responsables d’un phénomène appelé “féminisation” (voir Fiche Octylphénol et Fiche Nonylphenol). À force de baigner dans des produits qui agissent sur le système hormonal, un tiers des poissons mâles du pays sont en fait des semi-femelles, d’après l’Agence britannique de protection de l’environnement. Outillés d’ovaires, les poissons mâles produisent de la vitellogénine, une protéine destinée à la fabrication des œufs. Non, ce n’est pas normal. Oui, il semblerait que la situation soit comparable en France. Semblerait, car l’enthousiame budgétaire pour financer la recherche n’est, lui, pas comparable.

St.H.

Sources : INERIS, The Scotsman. Photo : Center for Ecology and Hydrology (Grande-Bretagne)

[12 décembre 2007]

Conseils incomplets aux futures et jeunes mamans

La couverture est hideuse. Une femme yogi constituée de feuilles de vieille salade, de haricots et de quartiers de mandarine fait vibrer son diaphragme en réfléchissant à un prénom. À l’intérieur, les illustrations sont tout droit sorties de Martine mange équilibré dans les années 50. L’Institut National de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) a publié en novembre 2007 son « Guide nutrition pendant et après la grossesse« .
Le contenu pèche aussi. Pas un mot sur les substances chimiques qui contaminent les aliments. Pour l’INPES, les “produits toxiques” sont l’alcool et le tabac. Point.

Certes, le guide mentionne le soja et les produits à base de soja, qu’il faut éviter : ils contiennent des œstrogènes végétaux (phyto-œstrogènes). Gênant, d’avoir dans le corps des hormones indésirées quand on est occupé à fabriquer un bébé. Mais qu’en est-il des xeno-œstrogènes et des autres perturbateurs endocriniens, ces substances chimiques qui imitent les hormones, et qu’on soupçonne fortement de pirater le système du fœtus en développement ?

C’est bien beau de manger 5 fruits et légumes par jour – la recommandation officielle – quand ils ont de grandes chances d’être recouverts de résidus de pesticides. Selon l’étude annuelle 2004 de la Commission européenne, 40% des aliments européens sont saupoudrés de pesticides, 4,7% dépassent les limites maximales. En outre, les services sanitaires ont identifiés 197 différentes sortes de pesticides.

Et puis il y a le dossier poisson. Dans le guide de l’INPES, on lit qu’il “est recommandé de diversifier les espèces en évitant certains poissons (marlin, espadon et siki)”. Pourquoi donc ? Ces espèces sont en fait 4 fois plus contaminées que les autres par le méthylmercure, un métal lourd dont la toxicité pour le cerveau en développement du fœtus est parfaitement connue. Alors que, d’année en année, l’Organisation mondiale de la santé et les États-Unis diminuent la dose hebdomadaire admissible en méthylmercure, la France regarde ses indicateurs d’un œil vitreux. Car le marlin, l’espadon et le siki ne sont pas les seuls poissons à risque. Tous ceux qu’on appelle les prédateurs sauvages sont truffés de méthymercure et d’autres substances qui s’accumulent dans leurs graisses (phénomène dit de bioaccumulation). “Mettez le poisson à votre menu au moins deux fois par semaine (n’oubliez pas les conserves – sardine, thon, maquereau, hareng – qui sont intéressantes sur le plan nutritionnel et peu chères)”, recommande l’INPES.

L’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) a, dans un avis, émis des recommandations qui ne sont absolument pas relayées dans le guide nutrition de Martine la femme yogi. L’Agence l’a dit en 2006 : les enfants en bas âge ne devraient pas manger plus de 60 grammes de poissons prédateurs sauvages par semaine. Quant aux femmes enceintes et allaitantes, c’est 150g maximum. Or le thon est aussi un prédateur sauvage.

Passées à la trappe aussi, les substances qui contaminent la nourriture via les emballages en plastique, les revêtements intérieurs de boîtes de conserve, ou tout bonnement parce que l’intégralité de la chaîne alimentaire se nourrit à la pollution chimique.

Ils semblent bien loin, ces pays scandinaves à la pointe de la santé publique où les livrets pour les femmes enceintes ne se limitent pas à la seule nourriture. Au Danemark, un livret d’information édité en 2007 recommande d’éviter les cosmétiques pendant la grossesse. On peut aussi rêver du jour où l’on préviendrait les futures mamans qu’utiliser des insecticides et des détergents peut être nocif pour le fœtus. On peut toujours rêver. Ou aller piocher quelques conseils de bon sens sur le site de Women in Europe for a Common Future (WECF).

Sources : AFSSA, Commission européenne, Organisation mondiale de la Santé.

St.H.

La grande invasion – le livre

La grande invasion - Le livreDans nos maisons, à notre insu, des milliers de substances chimiques partagent notre vie quotidienne, nichées dans la nourriture et l’eau, incrustées dans les détergents, les plastiques ou les tissus. Hommes, femmes, enfants et même ours polaires ont dans le sang des produits chimiques censés se trouver dans les tapis et grille-pains du monde moderne. Quels sont les risques pour la santé ?

Tandis que l’industrie défend ses marchés et ses secrets de fabrication, les scientifiques s’inquiètent de l’augmentation de l’asthme, de certains cancers, de troubles du développement, de la chute spectaculaire de la fertilité dans les pays développés. Pour eux, cette pollution invisible et continue empoisonne l’humanité en toute discrétion et touche en premier lieu les bébés. Souvent ignorée dans le débat environnemental, cette “Grande Invasion” soulève des questions qui dépassent largement le domaine de la médecine et de la science. Elle touche à l’organisation de nos systèmes économiques et politiques, et aux fondements de nos sociétés de profusion.

En dévoilant l’identité chimique des produits de consommation courante, cette enquête rend accessible les travaux scientifiques les plus récents et propose des solutions pratiques pour se préserver.

La grande invasion, enquête sur les produits qui intoxiquent notre vie quotidienne, Éditions du Moment 2008, 312 p., 19,95 euros.
http://www.editionsdumoment.com