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Article publié mercredi 6 février 2008 sur le site d’informations bakchich.info.

Les sympathiques petits poisons de notre vie d’intérieur

Rester chez soi nuit à la santé. Phtalates, parabens, formol… autant de gentilles substances qui se sont installées chez vous sans même avoir été invitées.

La vie est parfois empoisonnante. Il n’y a pas besoin de lire des livres pour le savoir. Mais notre vie quotidienne est aussi empoisonnée par bien des objets qui nous entourent, des meubles aux cosmétiques, bourrés de produits chimiques que nous respirons sans réfléchir. Ce sujet-là, moins philosophique, plus concret, fournit la matière d’un livre très enquêté. « La grande invasion », d’une journaliste indépendante, Stéphane Horel. Méthodiquement, scientifiquement, elle passe en revue, études et témoignages à l’appui, tout ce qui nous intoxique lentement, mais sûrement. Et le bilan n’est pas très rose. On en apprend de belles : en gros, rester chez soi n’est pas très bon pour la santé. Les industriels ont profité de notre ignorance, voire des failles de la réglementation, pour nous faire respirer plein de molécules bizarres. « L’Europe a autorisé sur son marché plus de 100 000 substances sans jamais les avoir testées. Ou presque. En termes de quantités, seulement 1% d’entre elles ont été évaluées pour leur toxicité potentielle » écrit Stéphane Horel.

Leurs noms sont barbares : on parle de formaldéhyde, de paraffine chlorée à chaîne courte, de composés fluorés, alkyphénols, de phtalates, de parabens. Mais il ne faut pas être effrayé par leur dénomination savante. Car ce sont des substances que nous connaissons sous d’autres identités. Prenons un exemple simple, bien développé dans l’ouvrage : le formaldéhyde est le doux nom du formol. Vous savez, ce liquide transparent dans lequel trempaient les spécimens de reptiles morts, sur les étagères de la salle de sciences naturelles du collège. Ce formol a des vertus conservatrices : il sert d’ailleurs toujours dans les laboratoires des hôpitaux. Mais ces qualités le prédestinent aussi à être utilisé comme liant, sous des formes variées, dans un nombre incalculable de produits de notre maison. On trouve du formaldéhyde dans les bois agglomérés, les contreplaqués, les parquets, les moquettes, les peintures, les revêtements de sols, les vêtements, les rideaux, les papiers, les détergents, et bien d’autres choses encore, y compris la fumée de cigarette.

Or ce composé organique volatil est connu pour ses défauts toxiques : « Dans le meilleur des cas, il irrite la gorge. Au pire, il est cancérogène » explique Stéphane Horel. Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC, à Lyon) l’a effectivement classé « cancérogène certain pour l’homme » en 2004. Or, selon une étude nationale menée par l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur, citée dans l’ouvrage, 22 % des logements français ont des teneurs de formaldéhyde dans l’air qui dépassent les normes édictées par l’Organisation mondiale de la santé. 22 %, cela représente des millions d’habitations où l’on respire mal. Etonnez-vous, ensuite, que la fréquence de l’asthme et des maladies respiratoires ait progressé en France ces 20 dernières années ! Mince progrès : il a fallu attendre la fin de l’été 2007 pour que la France adopte enfin une « valeur guide » pour le formaldéhyde. Autrement dit, une norme de santé, qui protège les personnes les plus vulnérables. Les fabricants de meubles devront un jour afficher la teneur toxique de leurs meubles. Ce ne sera pas du luxe. « Un panneau de particules et un meuble de bureau neufs peuvent dégager entre 300 et 400 microgrammes de fomaldéhyde par mètre carré de leur propre surface et par heure. Soit 30 à 40 fois plus que la valeur guide française » note l’auteur.

Bon, pas la peine de paniquer en lisant l’enquête de Stéphane Horel. Il y a des conseils simples à suivre pour éviter de s’intoxiquer bêtement chez soi. Par exemple : ouvrir sa fenêtre !

Vincent Nouzille

Le journaliste Vincent Nouzille est – notamment – l’auteur d’un très bon livre sur les polluants : Les empoisonneurs (Fayard, 2005).

[06 février 2008]

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