Archives de catégorie : La grande invasion

Gym Tonic aux phtalates

Le fait est rare : une newsletter de l’industrie du plastique contient des informations intéressantes. Le volume automnal de l’association industrielle European council for plasticisers and intermediates (ECPI) détaille les utilisations des phtalates dans les équipements pour le sport. Il est pourtant extrêmement difficile d’obtenir ces informations de la part de l’industrie, même quand on les lui demande poliment. Les phtalates, ce sont des substances chimiques ajoutées au PVC pour l’assouplir. Mais ce sont aussi des molécules qui comportent des risques pour la santé. Sur les rats et souris de laboratoire, les phtalates perturbent la fertilité des mâles et provoquent chez eux des malformations génitales. Côté humain, certains phtalates sont classés toxiques pour la reproduction.

Cette palpitante newsletter, donc, nous explique qu’on trouve des phtalates dans : les ballons d’exercice, les bancs d’exercice, les assises des machines à transpirer, les barres auxquelles on s’aggrippe pour soulever des poids, les semelles et cuirs synthétiques des chaussures de sport*, les cordes à sauter, les gants de bodybuilding, les haltères en PVC, les tapis d’exercice et de yoga, les tongs. Et aussi les revêtements de sol, de plafond et de murs des salles de sport.

*Seule la marque Reebok a entièrement supprimé le PVC dans ses chaussures de sport.

St.H.

[13 décembre 2007]

Sous le pont Mirabeau coule un supermarché

Un rapport de la Royal Society of Chemistry (Grande-Bretagne) rendu public le 10 décembre s’inquiète du nombre croissant de substances chimiques détectées dans les cours d’eau du pays. En sus des pesticides qui n’ont pas atteint leur cible dans les cultures et des rejets des usines, les rivières contiennent à peu près tout ce que nous laissons écouler dans nos siphons… et de nos conduits urinaires. Oui, nous urinons des résidus de xanax ou d’aspirine, de caféine ou de pilule contraceptive. Et à cela, on ne peut pas y faire grand-chose, à moins de pisser dans des containers et de les abandonner dans des grottes. Les stations d’assainissement des eaux ne filtrent pas ces polluants.

Le rapport britannique relève néanmoins que de les shampoings, gels douche et autres produits d’hygiène qui finissent dans les cours d’eau sont accompagnés d’une farandole de substances nocives pour l’environnement et, à terme, pour l’homme. Le triclosan, par exemple, cet agent antibactérien contenu dans les détergents, les dentifrices ou le savon, qui s’accumule dans le corps des poissons. Mais aussi dans les nôtres : on le détecte dans le lait maternel.

PoissonAutres polluants, les alkylphénols sont – en partie – tenus pour responsables d’un phénomène appelé “féminisation” (voir Fiche Octylphénol et Fiche Nonylphenol). À force de baigner dans des produits qui agissent sur le système hormonal, un tiers des poissons mâles du pays sont en fait des semi-femelles, d’après l’Agence britannique de protection de l’environnement. Outillés d’ovaires, les poissons mâles produisent de la vitellogénine, une protéine destinée à la fabrication des œufs. Non, ce n’est pas normal. Oui, il semblerait que la situation soit comparable en France. Semblerait, car l’enthousiame budgétaire pour financer la recherche n’est, lui, pas comparable.

St.H.

Sources : INERIS, The Scotsman. Photo : Center for Ecology and Hydrology (Grande-Bretagne)

[12 décembre 2007]

Conseils incomplets aux futures et jeunes mamans

La couverture est hideuse. Une femme yogi constituée de feuilles de vieille salade, de haricots et de quartiers de mandarine fait vibrer son diaphragme en réfléchissant à un prénom. À l’intérieur, les illustrations sont tout droit sorties de Martine mange équilibré dans les années 50. L’Institut National de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) a publié en novembre 2007 son « Guide nutrition pendant et après la grossesse« .
Le contenu pèche aussi. Pas un mot sur les substances chimiques qui contaminent les aliments. Pour l’INPES, les “produits toxiques” sont l’alcool et le tabac. Point.

Certes, le guide mentionne le soja et les produits à base de soja, qu’il faut éviter : ils contiennent des œstrogènes végétaux (phyto-œstrogènes). Gênant, d’avoir dans le corps des hormones indésirées quand on est occupé à fabriquer un bébé. Mais qu’en est-il des xeno-œstrogènes et des autres perturbateurs endocriniens, ces substances chimiques qui imitent les hormones, et qu’on soupçonne fortement de pirater le système du fœtus en développement ?

C’est bien beau de manger 5 fruits et légumes par jour – la recommandation officielle – quand ils ont de grandes chances d’être recouverts de résidus de pesticides. Selon l’étude annuelle 2004 de la Commission européenne, 40% des aliments européens sont saupoudrés de pesticides, 4,7% dépassent les limites maximales. En outre, les services sanitaires ont identifiés 197 différentes sortes de pesticides.

Et puis il y a le dossier poisson. Dans le guide de l’INPES, on lit qu’il “est recommandé de diversifier les espèces en évitant certains poissons (marlin, espadon et siki)”. Pourquoi donc ? Ces espèces sont en fait 4 fois plus contaminées que les autres par le méthylmercure, un métal lourd dont la toxicité pour le cerveau en développement du fœtus est parfaitement connue. Alors que, d’année en année, l’Organisation mondiale de la santé et les États-Unis diminuent la dose hebdomadaire admissible en méthylmercure, la France regarde ses indicateurs d’un œil vitreux. Car le marlin, l’espadon et le siki ne sont pas les seuls poissons à risque. Tous ceux qu’on appelle les prédateurs sauvages sont truffés de méthymercure et d’autres substances qui s’accumulent dans leurs graisses (phénomène dit de bioaccumulation). “Mettez le poisson à votre menu au moins deux fois par semaine (n’oubliez pas les conserves – sardine, thon, maquereau, hareng – qui sont intéressantes sur le plan nutritionnel et peu chères)”, recommande l’INPES.

L’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) a, dans un avis, émis des recommandations qui ne sont absolument pas relayées dans le guide nutrition de Martine la femme yogi. L’Agence l’a dit en 2006 : les enfants en bas âge ne devraient pas manger plus de 60 grammes de poissons prédateurs sauvages par semaine. Quant aux femmes enceintes et allaitantes, c’est 150g maximum. Or le thon est aussi un prédateur sauvage.

Passées à la trappe aussi, les substances qui contaminent la nourriture via les emballages en plastique, les revêtements intérieurs de boîtes de conserve, ou tout bonnement parce que l’intégralité de la chaîne alimentaire se nourrit à la pollution chimique.

Ils semblent bien loin, ces pays scandinaves à la pointe de la santé publique où les livrets pour les femmes enceintes ne se limitent pas à la seule nourriture. Au Danemark, un livret d’information édité en 2007 recommande d’éviter les cosmétiques pendant la grossesse. On peut aussi rêver du jour où l’on préviendrait les futures mamans qu’utiliser des insecticides et des détergents peut être nocif pour le fœtus. On peut toujours rêver. Ou aller piocher quelques conseils de bon sens sur le site de Women in Europe for a Common Future (WECF).

Sources : AFSSA, Commission européenne, Organisation mondiale de la Santé.

St.H.

La grande invasion – le livre

La grande invasion - Le livreDans nos maisons, à notre insu, des milliers de substances chimiques partagent notre vie quotidienne, nichées dans la nourriture et l’eau, incrustées dans les détergents, les plastiques ou les tissus. Hommes, femmes, enfants et même ours polaires ont dans le sang des produits chimiques censés se trouver dans les tapis et grille-pains du monde moderne. Quels sont les risques pour la santé ?

Tandis que l’industrie défend ses marchés et ses secrets de fabrication, les scientifiques s’inquiètent de l’augmentation de l’asthme, de certains cancers, de troubles du développement, de la chute spectaculaire de la fertilité dans les pays développés. Pour eux, cette pollution invisible et continue empoisonne l’humanité en toute discrétion et touche en premier lieu les bébés. Souvent ignorée dans le débat environnemental, cette “Grande Invasion” soulève des questions qui dépassent largement le domaine de la médecine et de la science. Elle touche à l’organisation de nos systèmes économiques et politiques, et aux fondements de nos sociétés de profusion.

En dévoilant l’identité chimique des produits de consommation courante, cette enquête rend accessible les travaux scientifiques les plus récents et propose des solutions pratiques pour se préserver.

La grande invasion, enquête sur les produits qui intoxiquent notre vie quotidienne, Éditions du Moment 2008, 312 p., 19,95 euros.
http://www.editionsdumoment.com