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Où se cachent les phtalates ?

Beaucoup d’entre vous atterrissent ici parce qu’ils cherchent des informations sur les phtalates.

Je vous invite à lire mon livre – La grande invasion –  si voulez en savoir plus sur la questions des polluants chimiques, des perturbateurs endocriniens, et des risques qu’ils présentent pour la santé. Pour vous mettre en appétit, vous pouvez consulter ici le sommaire.

En attendant, voilà quelques repères sur cette question. Vous trouverez plus bas une liste des produits pouvant contenir des phtalates.

Les phtalates sont des ingrédients chimiques qui servent de plastifiants et rendent la matière flexible. Il en existe une dizaine, plus souvent désignés sous leurs noms abrégés que par leur dénomination complète : DEHP (plutôt que diéthylhexyl phtalate), DBP, BBP, DIDP ou encore DINP. Une complexité qui n’aide certainement pas le grand public à s’y retrouver. Pratiquement tous les produits en PVC en contiennent. La matière plastique d’un rideau de douche, par exemple, peut contenir jusqu’à 40 % de phtalates. Il y en a dans les jouets. Les cosmétiques en contiennent, mais inutile de décrypter le liste des composants : ils n’y figurent jamais. Amateurs de sexe accessorisé, sachez que les godemichés, vibromasseurs et autres sex toys peuvent contenir jusqu’à 70% de phtalates. C’est l’équipe néerlandaise de Greenpeace qui l’a découvert en 2006.

Les phtalates sont rapidement métabolisés et éliminés par le corps, en 12 heures en moyenne. Mais la quasi totalité de la population en a en permanence dans le sang. Presque 100 % des 2 540 Américains testés par les Centers for Disease Control (CDC) ont les métabolites de plusieurs phtalates dans leurs urines [1]. Ce qui signifie que l’exposition des humains aux phtalates est continuelle. Ils sont détectables dans le sang, l’urine, le lait maternel, le liquide amniotique, le cordon ombilical.

Chez les rats de laboratoire, une exposition in utero aux phtalates provoque une masculinisation incomplète. Cet effet possède ce que l’on appelle des “marqueurs” physiologiques. Parmi ces marqueurs : la distance entre l’anus et la base du scrotum, censée être deux fois plus importante chez les mâles que chez les femelles, humains compris, est diminuée. En laboratoire, on considère donc la « distance ano-génitale » comme un critère anatomique de l’exposition aux phtalates. Je vous vois sourire, c’est bien naturel. Mais ça ne va pas durer. Car c’est d’abord chez les rongeurs que cette anomalie a été repérée. Et c’est ensuite qu’elle a été remarquée chez les humains. Chercheuse au département d’obstétrique et de gynécologie à l’université de Rochester, aux États-Unis, Shanna Swan a réalisé une grande étude sur l’exposition des bébés aux phtalates. Elle a examiné 134 petits garçons âgés de 2 à 36 mois, mesuré leur distance ano-génitale, envoyé leurs échantillons d’urine aux CDC. Non seulement aucun bébé ne semble pouvoir venir au monde sans être déjà chargé de phtalates (95% des nouveaux-nés), mais ceux qui présentaient une distance ano-génitale réduite et une descente incomplète des testicules (cryptorchidie) avaient nettement plus de phtalates dans les urines. Plus inquiétant : la concentration médiane de ces phtalates se situait en dessous de celle que l’on détecte habituellement chez un quart des femmes américaines [2]. Ah, et puis il y a tout juste un mois, la même chercheuse publiait un nouvel article dans lequel elle expliquait avoir également  constaté une légère diminution de la taille du pénis chez ces bébés [3]. Là, vous ne rigolez plus du tout.

Peu de mesures ont été prises à l’encontre de ces substances dont la dangerosité est pourtant connue et bien étudiée. Cependant, une directive européenne impose des restrictions sur les jouets que les plus petits d’entre nous peuvent porter à leur bouche. Depuis janvier 2007, aucun jouet ou article de puériculture destiné aux enfants de moins de trois ans ne doit contenir plus de 0,1 % de DEHP, de DBP et de BBP. Moins restreints, le DINP, le DIDP et le DNOP ne sont plus autorisés dans les objets qui se mettent dans la bouche [4].

Mais les bébés, petits inconscients, regardent-ils si leurs jouets ont été fabriqués avant la mise en place de cette réglementation ? Savent-ils si l’objet qu’ils mettent dans leur bouche est vraiment conçu dans ce but ? Demandent-ils une dérogation avant d’engloutir le pied d’une poupée appartenant à leur sœur aînée ? Qui a observé plus d’une minute un enfant le sait bien : les mômes n’en font qu’à leur tête. Ils suçotent ce qu’ils veulent, avec un penchant particulier pour ce qui n’est pas prévu pour, à en croire la liste des objets victimes de leur curiosité buccale, établie par des experts mandatés par la commission européenne en 2002 : cintres, crayons, câbles électriques, magnet de frigo, et même chaises [5]. Qui peuvent, eux, contenir les phtalates interdits.

StH.

Type de produits pouvant contenir des phtalates :
Le symbole du PVC est le numéro 3 dans le triangle de recyclage.

Adhésifs, aérosols, anneaux de dentition, bâches, ballons, baskets (Reebok a supprimé le PVC ; Nike, Adidas et Asics s’y sont engagés), bottes de pluie, chaussures, colles, couches, couvertures plastifiées, cuir synthétique, détergents, dallages, déodorants, encens et désodorisants en aérosol, encres d’impression, gants en plastique, gels, laques et mousses pour cheveux, godemichés et vibromasseurs, encres, films alimentaires, fils et câbles, imperméables, impressions et motifs sur vêtements (H&M a supprimé le PVC), insecticides, joints, jouets, lotions après-rasage, lotions pour le corps, lubrifiants, matériel hospitalier (cathéters, équipements de dialyse, gants, poches à sang, tubes etc.), médicaments, nappes, pailles, parfums, profilés (cadres pour fenêtres), protections murales, rideaux de douche, savon, scoubidous, semelles de chaussures, shampoings, solvants, tissu enduits, tissus imperméables, tongs, tuyaux, tuyaux d’arrosage, vernis à ongle, vêtements, zodiacs.
Sources : BEUC, INERIS, INRS, Greenpeace, Institut National De Santé Publique Du Québec, Union Européenne.

Références :

[1]Silva MJ et al. « Urinary levels of seven phthalate metabolites in the U.S. population from the National Health and Nutrition Examination Survey (NHANES) 1999-2000 », Environ Health Perspect. 2004 Mar ; 112(3) : 331-8.

[2]Swan SH et al. « Decrease in anogenital distance among male infants with prenatal phthalate exposure ». Environ Health Perspect. 2005 Aug ; 113(8) : 1056-61.

[3]Swan SH. “Environmental phthalate exposure in relation to reproductive outcomes and other health endpoints in humans”. Environ Res. 2008 Oct;108(2):177-84.

[4] Directive 2005/84/CE du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2005 modifiant pour la vingt-deuxième fois la directive 76/769/CEE du Conseil concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la limitation de la mise sur le marché et de l’emploi de certaines substances et préparations dangereuses (phtalates dans les jouets et les articles de puériculture).

[5] Norris B. Smith S. Research into the mouthing behavior of children up to 5 years old. Consumer and competition policy directorate, Londres, juillet 2002.

[26 novembre 2008]

Gym Tonic aux phtalates

Le fait est rare : une newsletter de l’industrie du plastique contient des informations intéressantes. Le volume automnal de l’association industrielle European council for plasticisers and intermediates (ECPI) détaille les utilisations des phtalates dans les équipements pour le sport. Il est pourtant extrêmement difficile d’obtenir ces informations de la part de l’industrie, même quand on les lui demande poliment. Les phtalates, ce sont des substances chimiques ajoutées au PVC pour l’assouplir. Mais ce sont aussi des molécules qui comportent des risques pour la santé. Sur les rats et souris de laboratoire, les phtalates perturbent la fertilité des mâles et provoquent chez eux des malformations génitales. Côté humain, certains phtalates sont classés toxiques pour la reproduction.

Cette palpitante newsletter, donc, nous explique qu’on trouve des phtalates dans : les ballons d’exercice, les bancs d’exercice, les assises des machines à transpirer, les barres auxquelles on s’aggrippe pour soulever des poids, les semelles et cuirs synthétiques des chaussures de sport*, les cordes à sauter, les gants de bodybuilding, les haltères en PVC, les tapis d’exercice et de yoga, les tongs. Et aussi les revêtements de sol, de plafond et de murs des salles de sport.

*Seule la marque Reebok a entièrement supprimé le PVC dans ses chaussures de sport.

St.H.

[13 décembre 2007]