Mâles en péril

« Les problèmes de l’appareil reproducteur masculin sont aujourd’hui potentiellement aussi graves que le réchauffement climatique. »

Niels SKAKKEBAEK directeur de recherches, Hôpital universitaire de Copenhague, Danemark.

Le documentaireMâles en péril, réalisé par Sylvie Gilman et Thierry de Lestrade, sera diffusé sur Arte mardi 25 novembre. Si vous voulez tout comprendre en 52 minutes sur les polluants chimiques et leur impact sur la santé – la fertilité en particulier – ne ratez pas ce film exceptionnel qui pose (enfin) les bonnes questions sur cette problématique largement ignorée par les médias français.

Plutôt que de paraphraser le dossier de presse, je vous laisse le télécharger.

Pour voir des extraits, la liste des intervenants, une interview des réalisateurs etc., le site consacré au film.

Les bande-annonces d’Arte sont là :

Le sujet

– Depuis 50 ans, la production de spermatozoïdes dans l’espèce humaine a diminué en moyenne de 50 %.
Pourquoi ?

– Dans les pays occidentaux, le nombre de cancers du testicule ne cesse de croître. Au Danemark, on constate une hausse vertigineuse de 400 % en soixante ans.
Pourquoi ?

–  Le nombre de malformations congénitales de l’appareil reproducteur masculin augmente également.
Pourquoi ?

[Ce graphique montre l’augmentation de l’incidence du cancer des testicules depuis les années 1940 dans huit pays nordiques. Nombre de cas pour 100.000 personnes. Issu de Richiardi L et al. Testicular cancer incidence in eight northern European countries: secular and recent trends. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev. 2004 Dec ; 13 (12) : 2157-66.]

– Des populations de poissons de certaines rivières se féminisent. De plus en plus de malformations sexuelles et de cas de stérilité sont observés chez les phoques, les oiseaux, les alligators, les grenouilles… Des études sur la faune montrent une dévirilisation croissante.
Pourquoi ?

Féminisation de la nature d’un côté, diminution du nombre de spermatozoïdes chez l’homme de l’autre. Des événements bizarres et inquiétants entre lesquels personne, pendant longtemps, n’avait pensé ou osé établir un lien.
Et si toutes ces observations avaient une origine commune ?

C’est l’hypothèse audacieuse de nombreux scientifiques tant aux États-Unis qu’en Europe. Ils sont persuadés que certains facteurs environnementaux sont responsables de ces pathologies et de ces malformations. Au banc des accusés, de nombreuses molécules mises sur le marché par l’industrie chimique : PCB, DDT, retardateurs de flamme, phtalates, pesticides … Liste non exhaustive de composés chimiques qui agissent sur le système hormonal (on les désigne sous le terme un peu barbare de « perturbateurs endocriniens ») et qui provoqueraient ainsi une féminisation du monde… La gravité des faits rapportés impose que l’on s’y intéresse de très près car la fertilité, et donc l’avenir de l’humanité est en jeu… Si ces scientifiques ont raison, ce sont des pans entiers de notre mode de consommation qu’il faudra repenser. Un véritable défi face au puissant lobbying industriel, un débat qui se déplace sur le terrain politique.

Récompenses

Ce film a obtenu le prix Europa 2008 dans la catégorie “Meilleur programme télévisé d’actualité” et le prix des lycéens au Festival Pariscience 2008 (Festival international du film scientifique).

L’origine du film

Ce film a commencé dans un laboratoire de recherche de  Boston. Nous tournions La Guerre contre le Cancer lorsqu’Ana Soto, biologiste spécialisée dans le cancer du sein, sortit de son emballage un tube en matière plastique : un vulgaire tube dont se servent tous les techniciens de laboratoire. Mais celui-ci  était extraordinaire :  depuis que son fabriquant en avait changé la composition, il avait la capacité de faire se multiplier les cellules  cancéreuses. le plastique contenait un élément qui agissait comme  des hormones !

Ainsi des molécules réputées inertes pouvaient imiter les hormones et donc tromper notre corps …  À partir de ce tube de plastique, nous nous sommes lancés sur la piste  de ces molécules. Elles sont nombreuses, découvertes le plus souvent  par hasard, on les appelle aujourd’hui des « perturbateurs endocriniens ». Les scientifiques que nous avons rencontrés et filmés dans cette enquête sont des personnages étonnants. Face à des données inattendues, ils ont su se remettre en cause et être créatifs ; au moment de publier leurs résultats, ils ont  su résister aux pressions des industriels. Aujourd’hui, ils n’hésitent pas  à sortir de  leurs laboratoires pour porter le débat sur la place publique.

Car la découverte de ces « perturbateurs endocriniens » interroge. En premier lieu les  pouvoirs publics : comment contrôle-t-on les milliers de molécules chimiques fabriquées  par l’homme depuis 50 ans ? Des molécules lancées sur le marché avec pour seules  analyses… celles effectuées par les industriels eux-mêmes !

Elle interroge également les citoyens que nous sommes sur la qualité de notre environnement. Sur tous ces objets  indispensables à notre confort quotidien et qui auraient… peut-être… un effet sur la reproduction humaine, la santé…

Cela peut paraître effrayant. Nous en avons fait un film. Pour expliquer. Car le manque d’information est toujours plus effrayant que l’information elle-même. Pour raconter aussi une extraordinaire aventure  scientifique qui s’est construite comme un puzzle, avec des éléments épars, qu’il fallait rassembler dans un vaste tableau d’ensemble. Notre souci a donc été de tendre le récit au maximum : donner des informations scientifiques précises, tout en restant accessible et capter au mieux l’attention du  téléspectateur.

Sylvie Gilman et Thierry de Lestrade

Les réalisateurs

Journaliste,Sylvie Gilman a travaillé pendant près de dix ans au magazine « Saga Cités » (France 3), pour lequel elle a réalisé une trentaine de reportages de 26 mn, comme Danièle, prix spécial du jury au FIGRA 1995. Elle s’est ensuite tournée vers le documentaire. Elle a réalisé Le Procureur, le voleur et son voisin (52 mn, 2003) et, avec Thierry de Lestrade, Mémoire de sauvageons (52 mn, 2002) et la Guerre contre le cancer (2006). De son côté, Thierry de Lestrade a réalisé une quinzaine de documentaires. Nombre d’entre eux ont été primés, comme La Justice des hommes, pour lequel il a reçu le prix Albert Londres en 2002. Il écrit aussi des scénarios et a publié un roman, Les passeurs d’anges, aux éditions du Seuil, en 2004.

Les dates

Mâles en péril, documentaire de 52mn. Réalisé par Sylvie Gilman et Thierry de Lestrade.Arte, mardi 25 novembre, 21h.

Le documentaire sera suivi d’un débat en plateau avec la participation de Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État à l’Écologie.

[17 novembre 2008]

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