Archives de catégorie : Grippe A

Le serment de Roselyne Bachelot

La ministre de la santé Roselyne Bachelot a juré de dire toute la vérité, rien que la vérité. C’était le mardi 23 mars devant la commission d’enquête du Sénat sur le rôle des firmes pharmaceutiques dans la gestion par le Gouvernement de la grippe A (H1N1). Vous pouvez voir l’intégralité de son audition ici :

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Toute la vérité, peut-être, mais une vérité loin d’être passionnante. On n’a pas appris grand-chose de cette (très) longue audition. Sans doute parce que Le Figaro du matin avait éventé le montant de l’indemnité destinée au laboratoire Novartis pour le dédommager de l’annulation des commandes de vaccins contre la grippe H1N1 : 16% du montant des contrats. Le ministère de la Santé a fait une proposition sur cette même base aux deux autres laboratoires concernés : GlaxoSmithKline et Sanofi-Pasteur. Le laboratoire Baxter ne devait fournir « que » 50000 doses ; il n’est donc pas concerné par ces dédommagements. Une enveloppe de 48 milions d’euros est prévue au total. Les négociations ont été menées sur un ton « viril mais correct » selon Le  Figaro. Ça laisse rêveur. Pour mémoire, 50 millions de doses ont été résiliées sur les 94 millions initialement prévus. Le montant de la facture s’élevait à 712 millions d’euros.

Il y en a un, en revanche, qui s’est bien amusé. C’est François Autain, membre du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche du Sénat et président de la commission d’enquête. Bras en écharpe par dessus la cravate, teigneux à souhait, le sénateur s’est engouffré dans une joute toute en ironie avec la ministre. Laquelle s’est montrée relativement bonne joueuse – on l’a vue sourire plus d’une fois. Ces deux-là, il est vrai, se connaissent depuis longtemps. Dans mon livre Les Médicamenteurs, je raconte d’ailleurs leur première rencontre, pas vraiment sous le signe de la tendresse. En 1969, François Autain était médecin et avait un cabinet médical à Bouguenais, en Loire-Atlantique. Roselyne Bachelot était visiteuse médicale pour le laboratoire Ici Pharma (comme le montre le document ci-dessous). Le futur sénateur avait bloqué la future ministre dès le parking. Rien à voir avec son bras cassé, quarante ans plus tard.

StH

[Source du document : Le dossier. Chronique européenne des pays de Loire N°54, Juillet 2004.]

Commission d’enquête du Sénat : le menu

Les auditions de la commission d’enquête du Sénat sur « le rôle des firmes pharmaceutiques dans la gestion par le gouvernement de la grippe H1N1 » commencent mardi 23 mars 2010. Vous pouvez consulter ici le texte complet de la proposition de résolution, qui n’y va pas avec le dos de la cuillère.

Après avoir rappelé les faits, rien que les faits, saupoudrés de chronologie des non-événements, les sénateurs écrivent : « C’est dans ce contexte qu’ont été prises un certain nombre de mesures incohérentes et disproportionnées dont le seul fondement assumé semble être – si l’on en croit le Président de la République – le principe de précaution. En l’occurrence, un tel niveau de précaution confine à l’irresponsabilité ou plus précisément au refus de prendre ses responsabilités, comme si le principe de précaution permettait de s’en affranchir. »

Cette « gestion calamiteuse », selon eux, « marque la faillite d’un système qui repose essentiellement sur des experts recrutés moins pour leurs compétences que pour les liens qu’ils entretiennent avec l’industrie pharmaceutique. C’est sans doute la raison pour laquelle, à la différence de leurs collègues économistes qui ne voient pas venir les crises, ils les inventent pour le plus grand bénéfice des fabricants de vaccins et d’antiviraux. gestion calamiteuse marque la faillite d’un système qui repose essentiellement sur des experts recrutés moins pour leurs compétences que pour les liens qu’ils entretiennent avec l’industrie pharmaceutique. C’est sans doute la raison pour laquelle, à la différence de leurs collègues économistes qui ne voient pas venir les crises, ils les inventent pour le plus grand bénéfice des fabricants de vaccins et d’antiviraux. »

Mardi 23, la presse est privée d’apéritif. Les deux premières auditions de l’après-midi ne sont pas ouvertes au public. C’est réglementaire. Mais contrariant. Nous ne saurons donc pas ce qu’ont à dire :

– Thierry Coudert, directeur général de l‘Établissement de Préparation et de Réponse aux Urgences Sanitaires (EPRUS), l’organisme d’État qui a été chargé de négocier les contrats des vaccins grippe avec les laboratoires pharmaceutiques.

– Noël Renaudin, président du Comité économique des produits de santé, l’instance qui, au sein du ministère de la Santé, fixe les prix des médicaments en France.

En revanche, la ministre Roselyne Bachelot sera entendue à 17h. Enregistrée, l’audition sera bientôt disponible en ligne.

Mercredi 24, ce sera le tour de :

– Jean Marimbert, directeur de l’Agence française de sécurité saniatire des produits de santé (AFSSAPS),

– Françoise Weber, directrice de l’Institut national de veille sanitaire (InVS),

– Didier Houssin, directeur général de la Santé.

La composition de la commission d’enquête est la suivante :

Président : M. François Autain.

Vice-présidents : M. Claude DomeizelM. Jean-Jacques Jégou

Secrétaires : Mme Odette Herviaux, Mme Christiane Kammermann

Rapporteur :  M. Alain Milon

Liste complète des membres de la commission d’enquête : MM. François AutainGilbert Barbier, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Christian DemuynckMarcel DeneuxClaude DomeizelGuy FischerBruno GillesJean-Pierre Godefroy, Michel Guerry, Mmes Marie-Thérèse HermangeOdette Herviaux, MM. Alain HoupertJean-Jacques Jégou, Mme Christiane Kammermann, MM. Serge LagaucheMarc LaménieJacky Le MennAlain Milon, Mme Patricia Schillinger, M. Alain Vasselle

La (non) réponse de l’EMEA

Comme promis à la fin de mon livre, je vous raconte sur ce site les suites de plusieurs de mes démarches.

Dans le chapitre XII Travaux pratiques : la grippe H1N1, j’explique comment, après plusieurs semaines d’attente, je n’avais toujours pas de réponse de l’Agence européenne du médicament (EMEA). La question que je lui posais était pourtant assez simple. Je voulais savoir quels experts avaient travaillé sur la grippe H1N1 au sein de l’Agence. Et avoir accès à leurs déclarations publiques d’intérêts avec l’industrie pharmaceutique, bien sûr. Car c’est l’EMEA qui a accordé les autorisations de mise sur le marché des vaccins contre la grippe. Et l’EMEA n’aime pas partager ce genre d’informations. Seules les déclarations d’interêts des membres du Comité des produits médicaux à usage humain sont en ligne (cliquer sur le petit D bleu).

Le 26 janvier 2010, alors que le livre entrait sous presse, l’EMEA se décidait à apporter un premier élément de réponse. À noter que mon premier email datait du 27 novembre 2009. Entre les deux, plusieurs emails de l’EMEA avaient fait mine de ne pas comprendre ce que je demandais. Histoire de grapiller un peu de temps sans doute. L’Agence a la mauvaise habitude de se dérober et d’étirer les délais au maximum.

Le 26 janvier, donc, je reçois ce courrier de David Mackay, qui est, bizarrement, directeur des médicaments vétérinaires et de la gestion des données sur les produits de l’EMEA. Il me présente ses excuses, d’abord, Mr Mackay. Il a mis bien longtemps me répondre. C’est parce qu’il a fallu consulter plusieurs personnes, comprenez-vous. Et de joindre les déclarations d’intérêts des experts du groupe de travail vaccin (Vaccine working party), du groupe de travail produits biologiques (Biologics working party), du directeur du Comité des produits médicaux à usage humain (Committee for medicinal products for human use ou CHMP) et du directeur du groupe de travail pharmacovigilance (Pharmacovigilance Working Party, ou PhVWP).

Aucun de ces 39 experts ne signale de liens d’intérêts.

Vous pouvez télécharger l’intégralité de leurs déclaration d’intérêts au format .zip en cliquant ci-dessous :

Vaccine working party

Biologics working party

Eric Abadie CHMP

June Raine PhVWP

Mais la réponse de l’EMEA est incomplète. Il manque les déclarations d’intérêts des experts qui ont examiné les dossiers des vaccins. C’est-à-dire le plus intéressant. À la fin de sa lettre, Mr Mackay explique: « Nous vous informons que la suite de votre demande a été mise à l’ordre du jour d’une réunion des directeurs des agences européennes du médicament les 28-29 janvier 2010, durant laquelle la responsabilité de la publication des déclarations publiques d’intérêts devrait être clarifiée. Nous vous informerons de l’issue des discussions aussitôt que possible ».

Aussitôt que possible, ce fut le 10 février, avec un nouveau mot doux de Mr Mackay, d’un culot inouï. « Les États membres sont seuls responsables pour la gestion des conflits d’intérêts au sein de leurs équipes et pour les personnes qu’ils engagent afin de fournir des services à l’Agence européenne du médicament. Par conséquent, toute demande sur la composition ou le fonctionnement des équipes d’évaluation devra être adressée aux autorités nationales compétentes des (co)-rapporteurs respectifs. » Traduction de la novlangue administrative : pour avoir accès aux déclarations d’intérêts des experts qui ont examiné les dossiers de vaccins grippe, il faut appeler, l’une après l’autre, les différentes agences qui les ont envoyés. L’Agence finlandaise, britannique, allemande etc.

Mr Mackay conclut donc par ces mots : « l’Agence considère désormais que votre requête a été traitée ».

Maltraitée, plutôt.

StH.