Stéphane Horel – Journaliste  documentariste

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Carnet de route Afrique du Sud – Swaziland (février 2007)

Sida : Les Grands Mères Courage
Carnet de route

Swaziland-Afrique du Sud, Février 2007

Intsandzane lenghle ngumakhotfwa ngunina
Chanceux, l’orphelin qui a pu recevoir un baiser de sa mère

(Proverbe swazi)

Au Swaziland, le roi Mswati III collectionne les berlines allemandes (une dizaine), les femmes (treize) et interdit de danser le rock tandis que les deux tiers de ses sujets se frottent les semelles sur le seuil de pauvreté (moins d’un dollar par jour et par personne) et crèvent du sida.
On arrive vite au fin fond du Swaziland – grand comme le Limousin. La constituency de Lubuli, au sud de Big Bend, est à une heure de route à peine de Mbabane. La capitale est pourvue d’un mall à l’Américaine avec cheeseburgers, sols glissants et musique d’ascenseur. Mais à Lubuli, les enfants vont nus pieds. Les tee-shirts Spiderman de l’aide internationale, tachés et reprisés mille fois, leur tombent sur les genoux.
C’est dimanche et il n’y a que des femmes et des enfants sur les bancs : les hommes picolent. Des torrents de pluie traversent la tôle de la petite église pentecôtiste. Les fillettes répartissent cuvettes et récipients de fortune au milieu des chants. La région n’a pas l’habitude des précipitations. C’est la première en quatre mois.
Nous sommes dans le Lowveld du Swaziland (en opposition au Highveld, montagneux, plus humide, où l’on cultive, sur les pans les plus escarpés, la « meilleure marijuana d’Afrique »). Une zone de sécheresse accablée de soleil. Les chèvres mâchent de l’herbe jaune. Il ne pousse guère que des cactus et des acacias dont les épines servent de cure-dents. Une de ces régions du monde qui n’a pas de chance. Dans un communiqué du 8 mars dernier, le Programme alimentaire mondial annonçait une famine imminente. Madagascar, Mozambique, Namibie, Zambie, Lesotho, une partie de l’Angola : toute l’Afrique australe est menacée.
Il est des moments dans la vie d’un journaliste où un certain nombre de commandements déontologiques deviennent caducs. Impensable, à Paris ou à Washington, de payer un interlocuteur en échange d’informations. Mais que devient cet impératif catégorique face à Ester Ndlamandla ? Une grand-mère qui se débat contre la vieillesse et sa vie d’épreuves dans une cabane branlante, avec neuf poules et une pension de 20 euros par mois pour nourrir huit enfants. Que devient cet impératif catégorique face à Ncamisile, Paki, Sifiso et Futhi ? Quatre mômes en carence de bouffe et d’amour, déjà complètement cassés par l’existence, et fatalement attachants. Eh bien l’impératif catégorique finit au fond d’un panier du petit supermarché du coin, enseveli sous la farine de maïs, les bouteilles d’huile et les paquets de sucre. Sans même l’ombre d’un scrupule.
Dans ce genre d’endroits aussi, on se prend à rêvasser sur les idéaux fondateurs de l’ONU et de ses différentes branches. Ici, des gens organisés, méticuleux, efficaces, appliquent ces idéaux au quotidien. Pas dans l’urgence et la guerre. Notre guide-fixer-traducteur, Khetho, a 28 ans. C’est un type brillant, impliqué, et vraiment drôle, tout comme ses collègues de l’UNICEF, Pelucy et Nonhlanhla. Des gens qui, à leur échelle, changent vraiment le monde. Des gens, aussi, sans lesquels le reportage n’existerait pas.
Il existe au Swaziland 438 Neighbourhood Care Points. Un réseau dont le concept même dépasse l’entendement de nos sociétés égoïstes. Au départ, ce sont les villageois eux-mêmes qui montent les murs d’une petite baraque dans un lieu central de la communauté. Le toit, les toilettes, le matériel de cuisine (entendez par là un chaudron ou deux, une cuillère et quelques assiettes) sont fournis par l’UNICEF, les sacs de nourriture par le Progamme alimentaire mondial. Tous les jours, des adultes viennent s’occuper des orphelins. Par gentillesse. Gratuitement. Parce qu’ils considèrent que ces enfants relèvent de la responsabilité collective. Les organisations humanitaires rêvent de pouvoir les rétribuer, essaient de les former et les envoient suivre des stages où ils apprennent à gérer les troubles des enfants, identifier la maltraitance et les abus sexuels. Dans l’école primaire de Lubuli, où il n’y a pas assez de chaises pour les 45 élèves par classe en moyenne, l’institutrice Busi Dlamini a même suivi une formation intitulée « Enfants touchés par le VIH-sida : construire la résilience ».
On n’oublie pas ces enfants longilignes et silencieux, aux yeux graves et aux manières lentes. Sifiso qui réclame sa mère. Futhi qui fait la mariolle pour rassurer les autres. Ncamisile et ses miettes de pois chiches autour de la bouche. Et la petite Paki, qui perd conscience parfois, mais qui sourit, tout le temps.
Sur les ondes des radios sud-africaines, les journalistes font leurs titres sur la vague de chaleur. Ici aussi, on reconnaît un réchauffement climatique quand on en voit un. Il fait près de 38°C et l’on annonce déjà des récoltes inférieures à 30% par rapport à l’année précédente. Or, c’est l’Afrique du Sud qui offre une partie de son maïs pour l’aide alimentaire au Swaziland.
Quinze ans ne suffisent pas à effacer des décennies d’apartheid. La haine fait de vieux restes. On devine immédiatement l’identification automatique des gens comme blancs ou noirs avant de les voir comme des personnes. Une violence silencieuse, impalpable, de chaque instant.
Johannesburg (Jo’burg) est une ville laide et désagréable. Hauts buildings et rues propres, le centre est irrigué par une trois-voies qui lui donne un air de sous-clone d’Amérique. Difficile de se croire en Afrique dans les rares quartiers fréquentables. Rares car l’Afrique du Sud a presque inventé le car-jacking et Jo’burg est une des villes les plus dangereuses au monde : un viol par minute, record planétaire. Un chiffre qui refrène sec le baguenaudage. À Jo’burg, on ne peut pas simplement se garer devant une épicerie pour acheter une bouteille d’eau. Non. Il faut payer quelqu’un pour garder la voiture. Compter 2 rands environ (20 centimes d’euros). Les gardiens de voitures se repèrent à leurs gilets fluos réfléchissants qui les auto-adoubent « sécurité ». Les maisons des riches sont planquées derrière des murailles barbelées et vidéosurveillées. On entend aboyer des chiens au timbre nettement plus grave que celui des caniches. Le plus chic de ces quartiers blockhaus s’appelle Sandton. La trois-voies M1 le sépare du township d’Alexandra, l’un des coins les plus pauvres et dangereux de Jo’burg.
En contrebas du Gogo Granny Outreach Center, sa coordinatrice Diana Tiffo, raconte l’histoire du township. En 1991-1992, des émeutes ultraviolentes annoncent l’accession de Mandela au pouvoir (1994). Les femmes se réfugient dans les salles communales d’Alexandra. Pour dormir, elles s’entourent de barrières vivantes : leurs enfants. Protection dont les émeutiers n’ont que faire. La plupart d’entre elles sont violées. Quelques années plus tard, en toute logique, le taux de sida atteint des sommets. Alexandra a gardé une mauvaise tradition d’insécurité. Mais le township est moins dangereux depuis quelque temps : les truands qui imposaient leur loi sont presque tous morts du sida.

Au Gogo Center (le centre des grands-mères), les mamies aiment les couvre-chefs. On reconnaît Petronella Makhanya à ses hanches magistrales et à sa casquette Gavroche. Petronella est l’une des fondatrices du centre. À 58 ans, elle élève quatre enfants. Deux seulement sont ses véritables petits-enfants. Elle n’a aucun lien de parenté avec les deux autres. Leur mère, un jour, a décidé de mettre fin aux jours de la famille. Elle s’est enfermée avec ses fillettes dans la maison, sans nourriture, sans rien à boire. Leur grand-mère les a découvertes au bout d’une semaine, choquées, affamées. Les a recueillies. Puis elle est morte. Petronella était son amie. Elle a pris les petites sous son aile. Ou plutôt sur ses hanches. La grande a 9 ans, elle est futée, dure, violente. Brenda a deux ans et demi. Elle a le regard vide, elle pleure quand Petronella la pose par terre. Elle ne sourit jamais. Mais Petronella continue de rire, et ça secoue les vitres.
Et puis il y a Lucia Matzibuko, femme extraordinaire. Lucia et sa généalogie épouvantable accrochée au mur du salon. Une galerie d’enfants et de petits-enfants morts du sida. Lucia et sa couvée de petits. Il y a Bobo. Bobo qui a 10 ans et de la fièvre. Bobo qui a la chance d’être sous traitement (seuls 20% des malades ont accès aux antirétroviraux en Afrique du Sud). Bobo, la tête posée sur la table dans ses bras emmêlés. Et qui sera boxeur, un jour.

Texte et photos : St.H.

Tous droits réservés.

À l’école primaire de Lubuli (Swaziland), la chorale des enfants chante la prévention contre le VIH/sida. En voilà les paroles :

Première chanson

Le sida va tous nous tuer
Prends un préservatif et protège-toi
Parce que le sida va tous nous tuer
Le sida va tous nous tuer

Deuxième chanson

Pourquoi est-ce si dur ?
Pourquoi ?
Pourquoi est-ce si dur ?
Pourquoi ?
Pourquoi est-ce si dur ?
Tais-toi et écoute
Tais-toi
Tais-toi et écoute
Une épidémie est venue. Elle est venue
Les femmes s’éteignent
Une épidémie est venue. Elle est venue
Les hommes tombent comme les feuilles de l’arbre
Tais-toi et écoute
Elle est venue. Elle laisse les enfants seuls.
C’est le sida
Prends un préservatif masculin
C’est le sida
Prends un préservatif féminin
C’est le sida. Le sida tue.

……………………

Les Grands mères Courage (Réalisation : Stéphane Horel / Images : Pierre Grillot)

> Voir le reportage

……………………

Pour aider les grands-mères et les orphelins

The Gogo granny outreach center
Alex Aids Orphans Fund
First National Bank
Numéro de compte :62026994120
Code: 251305
SWISS BANK CODE: FIRNZAJJ
Email : alexaidsorphans@telkomsa.net

UNICEF
Campagne « Unissons-nous pour les enfants contre le sida »

STEPHEN LEWIS FOUNDATION

HELPAGE
VIH et personnes âgées

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    Stéphane Horel est journaliste indépendante et documentariste. Il n’y a pas d’erreur sur le prénom.
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    Stéphane Horel is a freelance journalist and documentary maker. No mistake on the first name.
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